Le Journal de Montreal - Weekend
L’ENFANT PRODIGE DES
Steve Murray, alias Chip Zdarsky, est un cas unique dans l’univers du 9e art. Ayant collaboré une décennie au National Post en ces qualités de chroniqueur humoristique avant de faire le grand saut du côté du comics américain, il en est rapidement devenu le seigneur de sa génération.
OEuvrant tant pour Marvel et DC Comics que pour différents éditeurs indépendants (Dark Horse, Image, etc.), Chip Zdarsky transforme en or tout ce qu’il touche. S’il a fait une entrée plus que remarquée dans le milieu en tant qu’illustrateur par le truchement de l’inénarrable série Sex Criminals, c’est depuis comme scénariste qu’il brille. « J’ai absolument tout appris de Matt Fraction de notre temps passé ensemble sur Sex Criminals. Non seulement quant au langage même de la bande dessinée, mais comment rythmer les scènes, et, espérons-le, écrire des personnages avec lesquels vous pouvez éprouver de la sympathie », explique l’artiste canadien. « Il est le meilleur de notre génération. Il est incroyablement réfléchi dans ses scénarios, même lorsqu’ils sont truffés de blagues douteuses. »
L’élève est en voie de surpasser son maître. Car Zdarsky, outre son délectable humour qui le caractérise, insuffle un supplément d’âme à tout ce qu’il fait. On n’a qu’à penser à son incandescent passage sur Peter Parker : The Spectacular Spider-Man, alors qu’il livre deux des meilleures histoires des 70 dernières années (le repas en tête à tête avec J. Jonah Jameson et son numéro d’adieu, qu’il illustre pour l’occasion) ou encore à son passage actuel sur Daredevil .Unpersonnage qui fut servi par les plus grands, dont Frank Miller, Ann Nocenti, Mark Waid. Se sent-il redevable à ces légendes et les lecteurs ? « Je sais que cela peut sembler étrange, mais je ne me sens pas vraiment redevable envers les créateurs qui m’ont précédé sur les différentes propriétés de Marvel et DC Comics. Rien de ce que j’écris ne peut effacer ce travail. Je peux par exemple révéler que Matt Murdock (Daredevil) a été un extraterrestre tout ce temps, et cela n’entachera en rien ce qui fut fait avant. Personne ne relira Born
Again de Frank Miller en se disant : “Ce n’est pas aussi bien maintenant que je sais qu’il est un extraterrestre”. Par contre, je me fais un devoir de ne pas complètement bousiller leurs contributions dans l’éventualité d’une adaptation au cinéma ou à la télévision, ce qui leur rapportera de l’argent. Je me soucie plus de leur compte bancaire que des personnages eux-mêmes. Quant aux lecteurs, j’essaie de leur offrir des histoires divertissantes. »
BRILLER
S’il anime avec verve les différentes franchises, il brille aussi à titre de créateur d’univers, comme c’est le cas pour l’excellente série Stillwater, en nomination aux prestigieux prix Eisner dans la catégorie Meilleure série en cours de parution aux côtés de Daredevil, dont il signe les scénarios. « J’adore faire des comics mensuels. Être capable de raconter des histoires avec ce genre d’élan, voir vos mots prendre vie à travers l’art de certains des plus grands artistes du monde ? Il n’y a rien de mieux. » Est-ce que le dessin lui manque ? « Oui. Ou du moins, avoir le total contrôle de l’approche artistique. Je jongle avec l’idée d’un projet que je pourrais dessiner bientôt, et cela m’excite. J’ai juré après la fin de Sex Criminals que je ne dessinerais plus jamais de série, mais la bande dessinée consiste essentiellement à avoir la mémoire courte. »
Chose certaine, il laissera une trace indélébile sur le médium, prouvant qu’il est possible d’aborder pareille industrie pécuniaire avec coeur, éloquence et esprit.