Le Journal de Montreal - Weekend
DES ANNÉES DIFFICILES AU TÉMISCAMINGUE
Spécialiste des polars romantiques sur trame historique, l’écrivaine Bergeron entraîne ses lecteurs au bord du lac Témiscamingue, à la fin du 19e siècle, dans son nouveau roman, Les secrets d’une âme brisée. Avec intelligence et délicatesse, elle dépeint les moeurs de l’époque à travers le personnage d’une femme qui se retrouve bien jeune à la tête d’une entreprise familiale, au coeur d’une population en pleine transformation.
En 1943, Fabiola Sutherland, maintenant veuve après 45 années de bonheur, prépare son déménagement avec sa petite-fille Gladys. En faisant le ménage, la jeune fille découvre avec stupéfaction le certificat d’un premier mariage, vieux de 57 ans, de sa grand-mère avec un homme dont elle n’a jamais parlé.
Fabiola, qui a maintenant 76 ans, avait gardé le silence sur une tragédie qui a marqué ses 17 ans et qui l’a forcée à prendre les rênes d’une entreprise familiale à un très jeune âge. Pour une femme, en 1880, faire son chemin dans un monde d’homme n’était pas une sinécure.
Aux côtés d’Aymeric Sergent, le responsable administratif de l’entreprise familiale, elle prendra des décisions qui décideront de tout son avenir. Claire Bergeron s’est interrogée sur la place des femmes dans la société d’alors, de même que sur celle des personnes venues d’ailleurs, en écrivant ce roman palpitant.
UN ANCIEN ESCLAVE
Elle s’est aussi inspirée d’une figure marquante de l’histoire locale : un homme appelé Stéphane L’Africain.
« Ce qui m’a interpellée, c’est l’histoire de Stéphane L’Africain, arrivé au Témiscamingue en 1885, 20 ans après la guerre de Sécession. Il avait fait la guerre et avait même été esclave aux États-Unis. Aujourd’hui, au Témiscamingue, il y a une baie qui s’appelle la baie de l’Africain », note-t-elle, en entrevue.
L’écrivaine née à Authier-Nord, près de La Sarre, a créé de toutes pièces Sutherland City, un village qu’elle situe près du Fort Témiscamingue.
« Des petits villages comme Sutherland City, en Abitibi ou au Témiscamingue, il en existait beaucoup. C’était des villages champignons qui poussaient rapidement à cause d’un moulin ou d’un poste de traite, et qui ensuite disparaissaient. »
L’idée du roman a germé au bord du lac Témiscamingue, alors qu’elle visitait Ville-Marie à l’occasion d’un salon du livre. « J’ai fait des recherches sur Stéphane L’Africain. Il y avait beaucoup de métis, mais des mulâtres, il y en avait moins, en Abitibi-Témiscamingue. »
COURAGE ET DÉTERMINATION
Comme elle privilégie le thème de la justice, à tous les niveaux, dans ses romans, cette histoire s’intégrait bien à celle de Fabiola, une femme qui a trimé dur pour faire sa place dans un milieu difficile.
« Mon roman précédent, Mirages dans la vallée de l’Or, touchait surtout les Autochtones. Cette fois, je voulais intégrer des Noirs dans mon histoire, un sujet que je n’avais pas traité encore. »
L’histoire de Fabiola, qui a perdu toute sa famille, est imaginée, mais elle illustre bien les nombreux défis relevés par les femmes, à une époque où elles n’avaient même pas le droit de vote. « Ce que j’aimerais que les gens retiennent de mon roman, c’est que dans l’existence, on est souvent confrontés à des dilemmes, des drames qui nous paraissent insurmontables », confie l’écrivaine.
« Dans des cas comme ça, on n’a pas le choix : soit on abandonne, soit on réagit. Ce que je voulais montrer, par Fabiola, c’est que la survie passe par la bataille : il faut se battre et affronter les obstacles de la vie. Souvent, c’est grâce à notre détermination que le soleil va se lever de nouveau sur notre vie. Comme dans le roman. »
Claire Bergeron est née à AuthierNord en Abitibi-Témiscamingue.
Elle a écrit plusieurs romans qui ont connu beaucoup de succès, dont Mirages dans la vallée de l’or, Le crime de soeur Marie-Hosanna et Les amants maudits de Spirit Lake.
Elle habite à Laval.