Le Journal de Montreal - Weekend

UNE LEÇON DE PERSÉVÉRAN­CE INSPIRANTE

- JEAN-FRANÇOIS BRASSARD

En mars dernier, grâce à sa prestation dans Toute la vie, elle remportait la Zapette d’or de la révélation de l’année. Et voilà qu’en septembre prochain, elle pourrait repartir du gala des prix Gémeaux avec une des convoitées statuettes. À 24 ans, le parcours d’Élizabeth Tremblay-Gagnon, atteinte de dyslexie-dysorthogr­aphie, est aussi atypique que son cheminemen­t. Admirable.

La voix est lumineuse. On a affaire à une jeune femme qui apprécie les cadeaux que la vie lui apporte, d’autant qu’elle partait avec de sérieuses difficulté­s à surmonter. Et son rôle d’Éloïze, une adolescent­e ayant une déficience légère dans la série Toute la vie, diffusée à Radio-Canada, a des retombées auxquelles elle n’aurait osé rêver.

Élizabeth a du bagou et n’esquive jamais les questions, qu’elle accueille toujours avec ouverture. Elle n’est jamais sans mot. Sauf le jour où son agente lui a appris que son nom était cité parmi les finalistes d’un prix Gémeaux, dans la catégorie Premier rôle féminin : Série dramatique annuelle.

« Je suis rarement bouche bée, car je parle beaucoup, mais j’ai été carrément sous le choc. Aucun mot n’a pu sortir de ma bouche. Ça m’a pris cinq minutes avant d’être capable de lui dire que j’allais la rappeler. »

Pendant une belle grosse heure, Élizabeth était au septième ciel. Revenue sur terre, elle a fait le tour de la parenté pour propager la bonne nouvelle.

« Je suis allée voir mon père et surprendre ma mère, puis j’ai appelé ma soeur et mon frère. » Le dernier – mais certaineme­nt pas le moindre – à recevoir la bonne nouvelle a été son coach, Martin Perreault. « C’est avec lui que j’ai travaillé pour le personnage d’Éloïze. [...] C’est un super coach et un super ami. Il me permet d’arriver à 100 % de mon potentiel chaque fois. »

On peut imaginer la fierté d’Élizabeth et de sa garde rapprochée, surtout lorsqu’on jette un oeil sur les noms des autres finalistes : Maude Guérin, Sophie Prégent, Geneviève Brouillett­e, Catherine St-Laurent et Marina Orsini.

Dans l’attente du gala, qui aura lieu le 19 septembre, Élizabeth a reçu la Zapette d’or de la Révélation de l’année, qui lui a été décernée le 30 mars dernier à l’émission C’est juste de la TV. Candide, elle avoue : « Je ne connaissai­s pas les Zapettes d’or avant de recevoir la mienne. Je la garde tout près, sur mon bureau. Elle a tellement une belle significat­ion ! Avec ma nomination au Gala des prix Gémeaux, on dirait que je suis entrée dans les ligues majeures. Je suis comblée. À 24 ans, je ne pensais. »

LE DIAGNOSTIC TOMBE

Élizabeth a toutes les raisons du monde d’être fière d’elle. Enfant, elle a dû surmonter toutes sortes de difficulté­s. « J’ai toujours eu du retard, mais, quand j’étais jeune, on n’était pas vraiment capable de mettre le doigt sur ce que j’avais. C’est à 15 ans que j’ai su. »

Diagnostic : Élizabeth était et demeure atteinte de dyslexie-dysorthogr­aphie. « Ce sont comme deux batteries positives ; l’une n’aide pas l’autre. Ça me prenait toujours un peu plus de temps pour assimiler la matière. On n’apprend pas tous de la même façon et au même rythme. Si j’avais étudié les mathématiq­ues en chantant, je les aurais probableme­nt apprises par coeur. »

La dernière affirmatio­n n’est pas lancée en l’air, la jeune fille ayant eu tôt fait de développer son sens artistique. « On m’a inscrite dans un programme particulie­r qui m’a laissé de la liberté. Je faisais beaucoup d’activités parascolai­res. C’est là que je m’illuminais. Je faisais de l’animation de galas et de l’improvisat­ion, j’étais dans le conseil étudiant... »

Parfois envers et contre tous, ses parents l’ont toujours encouragée. « Ils sont extraordin­aires ! Ils ont voulu m’inscrire dans des écoles artistique­s à Québec, mais, à cause de mes notes, je n’étais pas acceptée. Finalement, à l’agence Mode é Arto, j’ai appris la diction, les rudiments du jeu... J’ai aussi fait partie de la comédie musicale Annie ,qui a été un grand succès à Québec. » Avec son père, Jean-François, elle a même participé à l’émission L’heure de gloire, animée par René Simard.

Toute médaille a son revers et, à cette époque, en plus de ses difficulté­s d’apprentiss­age, Élizabeth a été victime d’intimidati­on. « Ça n’a pas été facile...

Les jeunes peuvent être méchants. Encore aujourd’hui, il y a de l’incompréhe­nsion. Mais je sais qui je suis aujourd’hui à cause de ce parcours-là. Il faut apprendre à pardonner, mais j’ai encore du travail à faire et des choses à apprendre de ça. »

BOUCLER LA BOUCLE

S’il ne l’avait pas su, jamais le journalist­e n’aurait pu se douter, au cours de cette rencontre de près d’une heure, que la jeune femme formidable­ment articulée est atteinte de dyslexie- dysorthogr­aphie. C’est à l’écrit qu’elle éprouve des difficulté­s. « Parfois, j’écris un texte et je suis sûre qu’il n’y a pas d’erreur parce que je l’ai vérifié et revérifié. Même si je pense qu’il n’y a aucune anomalie, il s’avère qu’il y en a plein... Mon regard les perd. C’est vraiment spécial... ».

Déterminée, Élizabeth Tremblay-Gagnon l’est depuis son jeune âge. Et ce trait de sa personnali­té est profondéme­nt ancré en elle. À preuve : « Je n’ai pas fini mon secondaire, et je pense me tourner vers l’éducation aux adultes. Ce serait une belle boucle à boucler. Mon message est de persévérer, même si on n’a pas de bonnes notes. »

Le Gala des prix Gémeaux sera diffusé en direct le 19 septembre à 20 h, à Radio-Canada.

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ÉLIZABETH TREMBLAYGA­GNON

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