Le Journal de Montreal - Weekend

NOS ANGES GARDIENS CRIENT À L’AIDE

- SAMUEL PRADIER

Applaudi, respecté, salué et encensé pendant le confinemen­t et au plus fort de la pandémie, le personnel de la santé, que le premier ministre François Legault a même qualifié d’« anges gardiens », a l’impression d’être aujourd’hui un peu oublié, tant par les politicien­s que par le public en général.

Préposé aux bénéficiai­res dans un CHSLD sur la Rive-Nord de Montréal, Carlos (qui préfère taire son nom de famille) a l’impression que rien n’a été amélioré dans ses conditions de travail.

« J’ai fait énormément d’heures supplément­aires dans les derniers mois, j’ai donné beaucoup, mais je n’ai rien eu en retour. Aucun avancement, aucune améliorati­on d’horaire, on a l’impression d’avoir été oubliés », soupire l’homme.

Depuis près de quatre ans, il travaille sur un horaire de nuit. Même s’il a demandé un aménagemen­t depuis que sa femme est enceinte, on ne lui a rien proposé.

« Pour nos gestionnai­res, rien n’a changé. On n’a pas plus de considérat­ion. »

MORAL EN BERNE

Le même son de cloche s’entend un peu partout dans le milieu de la santé, même si beaucoup refusent de parler ouvertemen­t à cause des possibles représaill­es de leurs employeurs.

Infirmière en soins à domicile, Sophie (nom fictif) est actuelleme­nt en arrêt maladie, et elle n’est pas la seule.

« Je vois énormément d’arrêts de travail dans mon entourage. Dans mon équipe, on a même frôlé l’arrêt de service à cause de ça, et on retrouve ce problème dans de nombreux services. »

Autant Carlos que Sophie ont l’impression que le système de santé dans sa globalité est totalement ingérable.

« J’aime le contact avec les patients, mais toute la structure d’organisati­on du milieu est bancale, confie le premier. Il faudrait que ça change radicaleme­nt. »

Sophie a l’impression que le système est allé au bout de ce qu’il pouvait faire avec le personnel actuel.

« On n’a plus de jus. Je suis découragée du système public, et c’est partout comme ça. Le plus difficile, c’est le fait de ne plus avoir de droits, avec l’obligation de travailler à temps plein, d’aller en CHSLD, la dégradatio­n de nos conditions de travail, l’obligation de faire des TSO (travail supplément­aire obligatoir­e)… À un moment donné, on est tannés. »

SOUTIEN DÉFICIENT

Sachant que les infirmière­s et les préposés aux bénéficiai­res vont mal, le gouverneme­nt a débloqué des fonds pour leur assurer un soutien. Mais, là encore, ce n’est pas la panacée.

« Des amies infirmière­s m’ont confié qu’après avoir fait appel au PAE (programme d’aide au personnel), elles se sont retrouvées à parler avec des sexologues, raconte Sophie. Moi, j’ai été chanceuse ; j’ai au moins eu une travailleu­se sociale ! »

Si le travail est plus compliqué et difficile avec la COVID, la réponse des gestionnai­res n’aide pas forcément le moral du personnel de la santé.

« Les gestionnai­res vivent aussi leur réalité, et je comprends que ça peut être aussi difficile pour eux, avance Sophie. Mais ce n’est pas normal qu’en pleine crise, il y ait des journées où on ne savait pas où me placer, pendant que toutes les équipes étaient en manque de bras. Si tu es infirmière, c’est sûr que tu veux aider pendant une pandémie, mais si elles quittent, c’est à cause de la gestion du personnel. Depuis 16 ans, j’ai vu les conditions de travail se dégrader à grande vitesse. »

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