Le Journal de Montreal - Weekend
YÉ, UN POLAR YÉYÉ !
Le saviez-vous ? Saint-Hyacinthe occupe une place à part pour sa contribution à la culture populaire du Québec. Autant l’associer à un polar, genre aussi très apprécié !
Quelle formidable plongée dans le temps — celui que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître ! — nous fait vivre Pierre Breton avec Le dragon de Saint-Hyacinthe.
Son dragon n’a rien d’un monstre, c’est le nom d’un p’tit gars de la place, Danny Dragon, chanteur vedette d’un groupe montant, les Mégavolts. Un groupe de plus que Saint-Hyacinthe offre au Québec en cette année 1964.
Parce que la ville a déjà largement contribué à la vague yéyé : les Sultans, les Hou-Lops, les Aristocrates viennent de Saint-Hyacinthe. Et ils y seront tous de retour afin de participer aux funérailles de Danny, retrouvé mort dans sa maison incendiée.
En fait, tous les groupes à la mode seront dans l’assistance : des Classels aux Excentriques, en passant par César et les Romains. Plus les grosses pointures politiques, dont Pierre Laporte, ministre de la Culture. Car c’est une grosse affaire : « La mort de Danny Dragon fit plus de bruit qu’une bombe du FLQ », comme le souligne malicieusement le roman.
Or non seulement l’incendie est d’origine criminelle, mais l’autopsie révèle une mort suspecte.
Dès lors, Cyrille Carignan, chef de la police municipale, est bien déterminé à trouver lui-même le coupable. Pas question que la Sûreté du Québec vienne sur son terrain sous prétexte que la victime est pleurée par des milliers d’adolescentes — dont la fille, inconsolable, du chef policier Carignan.
Et puis celui-ci, bonhomme sympathique, peut compter sur l’agent Truchon, aux méthodes plus carrées.
PÉTILLANT COMME UN 7-UP
Tout ça donne un roman policier pétillant comme le 7-up qu’annonçait le Pierre Lalonde de Jeunesse d’aujourd’hui, vivifiant comme la Révolution tranquille qui se mettait en place, avec des lignes nettes comme l’étaient les catégories sociales de cette époque.
Bref, ce n’est pas la complexité de l’enquête qui va nous accrocher, mais la reviviscence d’un Québec disparu. Celui où la musique populaire n’était pas encore devenue industrie et où de jeunes Québécois pouvaient partager la scène des Rolling Stones. Celui où la société changeait trop pour certains catholiques intransigeants réunis au sein des très visibles Bérets blancs. Celui du Québécois moyen qui n’avait jamais rencontré quelqu’un de divorcé…
Breton nous raconte ça avec un sourire en coin qui n’est pas sans rappeler, sur un mode à peine moins enjoué, le ton bon enfant qui caractérisait son précédent roman, Le Zouave qui aimait les vélocipèdes.
L’auteur confirme ici qu’il aime mêler la petite histoire à des scénarios inusités, et il le fait avec précision sans pour autant se prendre au sérieux. Car même si l’enquête de Carignan lève le voile sur des enjeux sociaux qu’on découvre dans les années 1960, Le dragon de Saint-Hyacinthe n’est pas un drame policier, plutôt un bon divertissement.
Et on n’oubliera plus que Saint-Hyacinthe, ex-Hollywood et ex-Liverpool du Québec, a décidément un passé bien excitant !