Le Journal de Montreal - Weekend
DES ARGUMENTS POUR, DES ARGUMENTS CONTRE
Posez la question à n’importe quel animateur, la réponse risque d’être semblable : un studio rempli de gens qui applaudissent, ça n’a pas de prix.
Plus tôt cette semaine, lors d’un point de presse virtuel pour décortiquer la programmation 2021-2022 de RadioCanada, Guy A. Lepage a avoué qu’il avait particulièrement hâte de revoir du public aux enregistrements de Tout le monde en parle.
Les diffuseurs comprennent pourquoi leurs animateurs-vedettes préfèrent diriger leurs plateaux en présence d’un auditoire captif.
« Ça fait une différence, reconnaît Sophie Morasse, première directrice, Émissions Culture, variétés et société à Radio-Canada. Quand je regarde nos animateurs enregistrer leurs shows, je sais que ce qu’ils voient, c’est des caméramans masqués, des gens à deux mètres, des bancs vides… Ce qu’ils voient, c’est la pandémie, c’est la COVID-19… Je sais qu’ils trouvent ça difficile. »
La présence de spectateurs en studio n’aide pas seulement les animateurs à « livrer la marchandise ». Elle profite également aux invités, souligne Denis Dubois, vice-président de contenus originaux chez Québecor.
« Star Académie a souffert l’hiver dernier. Dans une compétition, le public amène un souffle, une énergie. Les encouragements des gens influencent les performances, c’est certain. Et Bijoux de famille sans public, c’est impossible. Faire des numéros de stand-up sans avoir de réaction, c’est impensable. Déjà qu’avec aussi peu de gens, c’est compliqué... »
Même son de cloche du côté de Charles Lemay, directeur des communications et producteur au contenu chez Productions ToRos, la boîte derrière La semaine des 4 Julie et Qui sait chanter ? à Noovo.
« C’est certain que pour nous, c’est un gros plus d’avoir du public. Ça donne vraiment l’énergie nécessaire à Julie (Snyder) ou Phil (Roy) pour donner un show. Quant aux artistes invités, ils trouvent ça l’fun d’avoir une réaction quand ils font une blague ou quand ils racontent une histoire. »
Présidente de Public cible, une entreprise québécoise chargée de recruter des spectateurs pour assister aux enregistrements de différentes émissions de télévision, Caroline Tremblay est catégorique : le public pousse les participants à donner le meilleur d’eux-mêmes.
« Quand tu joues devant une salle pleine, c’est sûr que t’es plus performant. Quand tout ce qui t’entoure, c’est des kodaks, c’est moins motivant. »
Certes, l’absence de spectateurs en studio a pénalisé les émissions de variétés au cours du calendrier télévisuel 2020-2021. Mais pour d’autres types de programmes, c’est l’inverse.
« Christian (Bégin) adore animer Y’a du monde à messe devant un public, mais quand il n’y en a pas, il porte beaucoup plus attention aux propos des invités, déclare Virginie Langlois, directrice des contenus grand public à Télé-Québec. L’ambiance est plus feutrée. Le contenu est beaucoup plus mis de l’avant. »
Contre toute attente, le diffuseur a même trouvé des avantages à présenter une émission de performances musicales comme Belle et Bum en formule intimiste.
« Belle et Bum est maintenant tournée en 360 degrés, souligne Virginie Langlois. L’équipe a investi les lieux. Les plans de caméras et l’éclairage ont changé. Ça donne une captation beaucoup immersive. Le public est sorti du studio, mais étonnamment, le téléspectateur s’est rapproché. »
Une émission comme La Tour ,de Patrick Huard, est également sortie gagnante de l’arrêt des enregistrements en présence de spectateurs.
« Au départ, on imaginait La Tour avec public, révèle Denis Dubois de Québecor. Mais dans ce genre d’émission d’entrevues, la présence du public change le comportement des invités. Ils deviennent soudainement conscients de tout ce qui arrive autour d’eux. Ils ont tendance à « performer » au lieu d’être eux-mêmes. Dans des shows où l’on veut des gens se livrer, le public est vraiment moins prioritaire. C’est ce qu’on a réalisé. »