Le Journal de Montreal - Weekend

LE SECRET DE PAPINEAU

Mathieu Thomas nous offre un objet rare dans la littératur­e québécoise : jumeler politique d’hier et d’aujourd’hui et fiction. Brillant et passionnan­t !

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Quel immense plaisir Mathieu Thomas offre-t-il aux amateurs d’affaires publiques qui, quand ils se plongent dans la fiction, doivent trop souvent trouver hors Québec de quoi se sustenter. Les récits intimistes abondent ici alors que ceux qui explorent les rapports sociaux ou politiques sont rares.

En lisant Ceux dont on ne redoute rien, on est heureuseme­nt bel et bien servis. Déjà la couverture annonce la couleur, qui arbore la tête de Louis-Joseph Papineau. Un retour aux patriotes donc… Eh bien non. Ou plutôt pas que…

C’est que l’auteur met en scène deux protagonis­tes.

Il y a Charles, jeune typographe montréalai­s que l’on suivra en 1864 et 1865, alors que la création de la Confédérat­ion canadienne se prépare. Le projet agite les Canadiens (… français, comme on n’avait alors pas besoin de préciser), et Charles est profondéme­nt contre. Mais que peut-on y faire quand on a 19 ans ?

RENCONTRE SECRÈTE

En se déplaçant de plus d’un siècle, on retrouve Édouard, dans la vingtaine, indépendan­tiste convaincu, mais militant désabusé.

On est en 2012, l’année du Printemps érable. Édouard est traducteur à la pige, pas un étudiant. Mais c’est aussi l’année de la création d’Option nationale, le parti de Jean-Martin Aussant, ce qui va ranimer l’intérêt politique d’Édouard.

D’autant que par le plus grand des hasards, il tombe sur un document qui, sans qu’il le sache, le relie à un certain Charles du 19e siècle, qui l’a aussi eu en sa possession. Ce document fait allusion à une rencontre secrète entre Papineau et les Français Alexis de Tocquevill­e et Gustave de Beaumont.

En 1831, ceux-ci visitaient les prisons américaine­s pour en faire rapport en France – voyage qui mènera Tocquevill­e à écrire son célèbre De la démocratie en Amérique. Mais une autre mission, secrète celle-là, leur a été confiée : encourager la révolte des Canadiens contre les Britanniqu­es.

Si ça se savait, la Confédérat­ion tomberait, croit Charles. Si ça se savait, c’est l’histoire du Québec qui prendrait une autre tangente, analyse Édouard.

Reste juste à trouver la preuve irréfutabl­e de cette rencontre. C’est tout l’enjeu, enlevant, du roman !

On va donc croiser Wilfrid Laurier, Louis-Michel Viger et les zouaves de Mgr Bourget au 19e siècle ; se promener entre le combat de boxe de Justin Trudeau contre le sénateur algonquin Patrick Brazeau, les concerts de casseroles et l’attentat contre Pauline Marois en 2012.

Tout cela s’arrime sans mal à la vie des deux héros et est si précis qu’on a peine à croire qu’il s’agit de fiction.

La postface de l’auteur nous ramène sur terre : il n’y a eu ni complot ni rencontre entre Tocquevill­e, Beaumont et Papineau. Mais qu’est-ce qu’on aura embarqué pendant plus de 400 pages !

Mathieu Thomas a mis huit ans à compléter ce premier roman. La conclusion est nette : qu’il se remette vite à l’ouvrage !

 ??  ?? CEUX DONT ON NE REDOUTE RIEN Mathieu Thomas Québec Amérique 448 pages
CEUX DONT ON NE REDOUTE RIEN Mathieu Thomas Québec Amérique 448 pages
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada