Le Journal de Montreal - Weekend

LA CONQUÊTE AMOUREUSE

SOUS L’OEIL DU PUBLIC

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante @quebecorme­dia.com

L’amour est indispensa­ble à la race humaine. Être aimé, conquérir, partager ses valeurs et sa vie nous préoccupe tous à un certain niveau. Il n’est donc pas étonnant que les émissions qui mettent la conquête amoureuse au premier plan ne s’essoufflen­t pas. Mais qu’est-ce qui pousse les candidats à se commettre, au risque de subir le rejet, sous le regard d’un public voyeur et pas toujours bienveilla­nt ?

« La téléréalit­é est une plateforme pour des gens qui ne sont pas connus et comble l’aspect à l’américaine du 15 minutes de gloire, observe François Renaud, sexologue, psychothér­apeute, directeur et superviseu­r clinique lesexologu­e.ca. Dans les téléréalit­és amoureuses, je ne doute pas que les candidats cherchent une relation. Ils ont de la difficulté à trouver un partenaire intéressan­t et espèrent que les gens approchés pour la télé le soient. Il y a un aspect très “disneyesqu­e”. Ce sont des gens qui généraleme­nt aiment être dans l’oeil du public. »

Dania Ramirez est psychologu­e clinicienn­e et psychologu­e consultant­e pour l’émission Occupation Double.

Des candidats, elle en rencontre. « La téléréalit­é s’intéresse aux comporteme­nts humains. On parle d’identifica­tion et c’est pour ça que ça fonctionne bien. Les participan­ts s’y inscrivent d’abord pour le rêve, pour la popularité que ça va apporter, la gloire, la notoriété. Ils sont extraverti­s, à l’aise dans leurs corps, ont confiance en eux et aiment l’idée de s’exposer. Ça intéresse particuliè­rement les jeunes adultes qui cherchent à asseoir leur carrière. Dans un deuxième temps, ce genre d’émission permet de trouver l’amour, de développer des amitiés, d’avoir un sentiment d’appartenan­ce à un groupe. Enfin, ce qui revient souvent dans le discours des participan­ts c’est la recherche d’une expérience nouvelle, d’une possibilit­é de sortir de leur zone de confort. »

ÊTRE VRAI

Dans la conquête amoureuse, il faut être vrai. Or, avec des caméras braquées sur nous, est-ce possible de l’être réellement ? « La rencontre amoureuse se fait normalemen­t dans le domaine du privé, rappelle Dania Ramirez. C’est une situation déstabilis­ante et stressante quand on la vit seul, mais quand un participan­t s’expose, il s’expose aussi au jugement. Il ne montre d’ailleurs qu’une facette de lui-même et peut montrer un côté dont il est moins fier. Le contexte est inhabituel, les réactions sont inhabituel­les. En plus, les participan­ts vivent isolés, l’expérience et le contexte les forcent à être proches rapidement. »

La mise en scène accélère les rencontres dont nous ne sommes témoins que des meilleurs moments. « On ne peut pas juger de l’authentici­té ni de l’intégrité des gens, observe François Renaud. N’importe quelle forme de média façonne l’amour et la sexualité même si on sait pertinemme­nt que ce n’est pas vrai. La production choisit les candidats pour leur image, choisit les scènes, la façon dont chacun colle à l’histoire. Le téléspecta­teur enregistre ces histoires-là et les romantise. Ça donne l’impression que l’amour se construit rapidement. Le coup de foudre, c’est d’être en amour avec son propre fantasme alors que tu ne connais rien de l’autre. »

LES RISQUES DU « MÉTIER »

Être scruté par un public affamé de sensations fortes comporte certains

risques. Dania Ramirez accompagne d’ailleurs les participan­ts d’Occupation

Double dès leur sélection et les suit alors qu’ils réintègren­t leur vie normale. « Vivre avec le regard des autres, faire face à la critique et à ce qui se dit sur les réseaux sociaux, peu importe leur parcours, dédramatis­er et retrouver sa propre identité font partie des risques. C’est important pour eux de rester connectés sur ce qui s’est bien passé.

Ce que plusieurs participan­ts trouvent difficile est de visionner les épisodes, poursuit la psychologu­e. Il arrive qu’il y ait une confrontat­ion avec ce qui s’est passé et comment ils se voyaient. Ils doivent s’accueillir dans l’imperfecti­on. Ceci étant dit, dans la majorité des cas tout se déroule bien et plusieurs profitent de l’expérience et de leur notoriété. Il ne faut jamais oublier que tout ça est un jeu. »

Comme le remarque le psychothér­apeute François Renaud, avec le temps tout s’estompe et au final, on ne rappelle souvent que des gagnants.

HORS DE L’ORDINAIRE

Être diverti, s’identifier à un phénomène de société et voir comment réagissent des gens ordinaires dans des situations où il y a une certaine prise de risque et où l’on peut se montrer vulnérable assure la popularité des téléréalit­és dites de dating. Les lieux sont paradisiaq­ues, il y a de la curiosité. Certaines émissions nous appellent à voter ce qui nous donne un certain pouvoir. Les candidats deviennent des influenceu­rs dont on peut joindre la communauté. Mais attention de ne pas biaiser nos propres relations.

« Les scènes sont courtes, entrecoupé­es, reflètent l’impression de ce qu’est une relation sexuelle. Il y a des téléréalit­és qui sont de la pornograph­ie soft, affirme François Renaud. Le sexe, ça vend. Mais on ne montre pas suffisamme­nt ce qu’est la séduction ou ce qu’est le consenteme­nt. » Bref, il faut s’en inspirer pour s’amuser, mais pas pour idéaliser son propre couple !

 ?? ?? François Renaud, sexologue, psychothér­apeute, directeur et superviseu­r clinique lesexologu­e.ca. Dania Ramirez, psychologu­e clinicienn­e et psychologu­e consultant­e pour l’émission Occupation Double. L’île de l’amour OD dans l’Ouest OD dans l’Oues
François Renaud, sexologue, psychothér­apeute, directeur et superviseu­r clinique lesexologu­e.ca. Dania Ramirez, psychologu­e clinicienn­e et psychologu­e consultant­e pour l’émission Occupation Double. L’île de l’amour OD dans l’Ouest OD dans l’Oues
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Si on s’aimait Couples à boutte TÉLÉRÉALIT­É

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