Le Journal de Montreal - Weekend
Grossophobie DÉCONSTRUIRE LES PRÉJUGÉS
SEXUALITÉ
Bien qu’inacceptable et injustifiée, la haine envers les personnes grosses existe, persiste encore. Heureusement, des voix s’élèvent, notamment sur les réseaux sociaux. Celle de Gabrielle Lisa Collard, du populaire blogue Dix octobre, trouve de nombreux échos. Et son nouvel essai, Corps rebelle : Réflexions sur la grossophobie, remet grandement en question notre rapport au corps. Entrevue-choc, mais nécessaire, sur un sujet sensible.
« C’est un livre qui n’aurait pas pu exister il y a 10 ans », réfléchit Gabrielle Lisa Collard, qui a lancé son blogue en 2016. Toutefois, la blogueuse fait un constat tranchant : « Qu’on le veuille ou non, on est tous grossophobes. » Selon elle, l’idée d’avoir peur de grossir est en soi grossophobe.
« Et je vous le dis, sans le moindre bémol : le monde nous déteste, écrit-elle dans son essai. Le monde nous DÉTESTE. Il nous méprise. Ça inclut nos parents, nos amoureux, nos profs, nos médecins, nos amis. On existe tous les jours entourés de gens qui, à différents degrés, mais sans aucune exception, ont appris qu’être gros, c’était mal. »
Dans ce contexte, il est important de déconstruire les préjugés trop longtemps entretenus à l’égard des gros. Le fait de mesurer le succès d’une personne à son poids et à son apparence est un non-sens, déplore Mme Collard. Et voir l’obésité comme étant l’incarnation physique de tous les problèmes de santé est un raccourci intellectuel qui n’a plus sa place.
CHANGEMENT DE PARADIGME
À propos de la haine, Mme Collard a un message à livrer à ceux et celles qui ont pu en faire preuve en paroles ou en gestes. « Si ça te fâche de voir des gros s’épanouir, c’est toi le problème ! Ce n’est pas normal de ressentir de la haine envers nous », ditelle. La blogueuse propose par ailleurs de donner un autre sens à l’expression « se reprendre en main », qu’on entend souvent de la part de ceux qui veulent perdre du poids. En fait, on peut se reprendre en main non pas avec une diète, mais plutôt collectivement, par un changement de paradigme. « Il faut s’enlever l’idée que c’est un choix, d’être gros », suggère-t-elle.
L’auteure tient à rappeler que les gros ont le droit d’exister, même si cela semble relever de l’évidence. D’autant plus que le parcours d’acceptation est loin d’être évident. Dans son essai, elle évoque entre autres le deuil de la minceur qu’elle n’a pas complètement apprivoisé.
Pour contrer la grossophobie, il importe d’user de son esprit critique en se demandant, par exemple, à qui bénéficie la culture de la diète et la culpabilité envers la nourriture. De plus,
Mme Collard invite tout un chacun à user de bienveillance, notamment « en remerciant notre corps plus souvent pour tout ce qu’il fait pour nous ».
Corps rebelle : Réflexions sur la grossophobie (Québec Amérique) est en librairie.