Le Journal de Montreal - Weekend
5 QUESTIONS À YANNICK SAVARD, RÉALISATEUR ET IDÉATEUR DE PIÉGÉS
Rares sont les productions de genre au Québec. La série Piégés qui débarque sur Addik TV s’y inscrit. Cinq personnes d’apparence bien ordinaire sont enlevées et séquestrées par un individu qui s’amuse à les torturer. Finement tordu, anxiogène et bien filmé, ce thriller psychologique a germé dans la tête du réalisateur Yannick Savard (L’heure bleue, Jérémie, Conseils de famille) alors que la pandémie sévissait. Genèse d’un projet atypique qui promet.
Notre confinement semble t’avoir inspiré. Est-ce qu’on peut dire que Piégés est ton projet de pandémie ?
Quand tout s’est arrêté je devais tourner Nous [une nouvelle série pour Club illico] et pour des raisons évidentes de proximité des personnages, tout a été mis sur la glace. J’ai vu mon année 2020 s’évanouir. Anne [Boyer, productrice] m’a demandé si j’avais une idée COVID-proof. C’est là que j’ai pensé à mettre en scène du monde dans des cellules. C’était le 5 mai 2020. Une série sur la captivité force une introspection, un regard sur soi. C’est un peu ce que nous avons vécu à petite échelle. On a eu un go en développement en juin. On est entré en production en septembre. Piégés, c’est comme un film en six chapitres. Il n’y a pas deux épisodes pareils.
L’atmosphère est anxiogène, les personnages sont pris avec un collier lumineux, les images sont travaillées, la musique est très présente. C’est une proposition comme on en voit rarement.
Je voulais une proposition très radicale. Faire quelque chose à l’américaine comme on en retrouve sur Netflix ou HBO. Nous avons des talents extraordinaires ici en effets spéciaux. On était une petite équipe, il y avait peu de comédiens, on a misé sur le spectaculaire, sur ce qu’on ne se paye jamais. Je suis un fan de films et d’émissions de genre et je voulais que ce soit assumé. On a travaillé fort avec le directeur photo et tous les chefs de départements à construire cet univers. Il y a aussi beaucoup de travail en montage pour trouver le bon ton, le rythme qui est si important. Il n’y a pas trop de dialogue. François Pagé [l’auteur] a été d’une efficacité redoutable. Quatre-vingt-dix pour cent de la série est couverte de musique ou par la conception sonore. C’est rare et c’est très inspirant.
C’est un thriller psychologique qui flirte avec l’horreur et l’insoutenable. En même temps, ce n’est pas graphique. Où as-tu mis tes limites ?
Le diffuseur ne voulait pas que ce soit trop violent. En même temps, je n’aime pas ce qu’on appelle la torture porn. Voir du sang gicler, c’est facile. On ne montre pas de violence physique. Mais on ne s’est pas censuré. On a misé sur la torture psychologique.
Les personnages sont seuls dans leur cellule. Comment les as-tu dirigés pour les mettre dans ces états de détresse ?
Il y a une toune que je leur faisais souvent jouer pour donner le ton. Travailler avec un seul acteur est un sport très stimulant. Quand ils sont deux ou plusieurs, ils s’échangent la balle. La discussion est importante et là, je pouvais interagir avec chacun, je donnais des notes, on laissait rouler la caméra pendant que je leur parlais. Je jouais le Chat [le personnage qui les garde captifs], j’improvisais. Brigitte
Poupart a eu des scènes très difficiles. Émotivement, elle allait loin. Quand on disait « coupez », il y avait des moments de grande fierté.
Est-ce que tes acteurs ont eu du mal à certains égards à sortir de leurs personnages ?
Tourner 29 jours dans un building pas de fenêtre avec des horaires difficiles mi-jour, mi-nuit, ça a un effet sur le corps. Martin Dubreuil nous a trouvés complètement fous ! Jean-Philippe Perras a dit avoir porté le poids du tournage plusieurs semaines après. On avait un esprit guerrier. Je suis content qu’au dernier jour de tournage, presque tout le monde était là. On a pu franchir la ligne d’arrivée tout le monde ensemble après avoir créé quelque chose qui a repoussé les limites de chacun.
■ Piégés
■ Diffusé sur Addik TV depuis le 21 octobre, 22 h ■ Premier épisode diffusé sur TVA+