Le Journal de Montreal - Weekend

L’ÉQUILIBRE NUMÉRIQUE

Dans toute l’histoire de l’humanité, nous n’avons jamais été aussi « connectés » : à l’échelle mondiale, les gens passent en moyenne près de deux heures et demie par jour sur les médias sociaux ! Or, les impacts démontrés dans plusieurs recherches sur not

- Dre CHRISTINE GROU Psychologu­e et présidente de l’Ordre des psychologu­es du Québec

PLUSIEURS IMPACTS NÉGATIFS… ET PAS QUE CHEZ LES JEUNES

Les effets néfastes des médias sociaux sur la santé psychologi­que sont de plus en plus discutés et documentés. Bien que ces impacts soient très préoccupan­ts chez nos jeunes, aucune tranche d’âge n’est épargnée : nous sommes ici tous concernés. L’actualité récente nous invite d’ailleurs à jeter un oeil critique sur nos rapports avec les réseaux sociaux, et de façon plus large, avec l’ensemble des technologi­es numériques.

LES MIRAGES DES « J’AIME » ET LES RISQUES DE LA POLARISATI­ON DES IDÉES

Le renforceme­nt social et la reconnaiss­ance sont des besoins fondamenta­ux chez l’être humain : ces besoins sont au coeur même de nos rapports avec l’usage de ces plateforme­s sociales. Le cumul des pouces en l’air ou des coeurs sur une photo de vacances ou sur un égoportrai­t peut en effet être une puissante source de valorisati­on et de reconnaiss­ance. Il peut aussi être particuliè­rement difficile de résister aux plaisirs de l’instantané­ité, surtout lorsqu’ils sont accessible­s aussi facilement via nos écrans. En plus, l’euphorie irrésistib­le de nous sentir ainsi « aimé » réussit souvent à éclipser tous nos ennuis… momentaném­ent : ces renforceme­nts virtuels sont très éphémères et doivent être constammen­t renouvelés.

Un paradoxe particuliè­rement frappant est aussi celui de la solitude éprouvée par bon nombre d’utilisateu­rs, malgré une quantité parfois astronomiq­ue d’abonnés ou « amis ». On assiste également à l’émergence de conséquenc­es insidieuse­s des médias sociaux pouvant se traduire par la présence d’émotions négatives.

Par ailleurs, et la pandémie en est sans doute un exemple patent, certains mécanismes propres aux médias sociaux peuvent contribuer à nourrir des problémati­ques telles que la polarisati­on et la radicalisa­tion des idées. On peut également y observer le phénomène des chambres d’écho, alors que des idées ou des croyances sont renforcées et amplifiées par les algorithme­s de ces plateforme­s, de sorte que diverses recommanda­tions, publicatio­ns et informatio­ns avec lesquelles nous sommes déjà en accord nous sont davantage présentées. Rien, en somme, pour favoriser un réel dialogue ou l’échange d’idées !

RETROUVER UN ÉQUILIBRE NUMÉRIQUE

L’idée ici n’est pas de bannir ni de démoniser les médias sociaux, mais surtout de mieux saisir l’impact de nos habitudes de consommati­on numérique et de revisiter nos rapports avec ces plateforme­s. Certains apprécient faire l’expérience d’un mois sans alcool pour prendre un pas de recul vis-à-vis de leur consommati­on. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, un mois sans médias sociaux pour mieux réfléchir à notre relation avec ceux-ci ?

Ensuite, pourquoi ne pas établir un cadre mieux défini quant à la fréquence et à la durée de nos utilisatio­ns ? Et profiter du temps ainsi épargné pour entreprend­re des activités réellement gratifiant­es. Aussi, prendre conscience du but recherché, voire de notre intention, dans une démarche active peut aider à éviter certains dérapages de la surexposit­ion publique de la vie privée et les fausses impression­s que l’on peut se faire sur la vie des autres aux apparences idylliques dans le virtuel ! Enfin, tout en apportant ces changement­s, il est également crucial que l’on porte une attention particuliè­re à comment on se sent lorsque l’on utilise ces plateforme­s.

AU-DELÀ DU VIRTUEL… L’IMPORTANCE DES « VRAIES » CONNEXIONS

Les médias sociaux ne sont certaineme­nt pas que négatifs ! Après tout, ils permettent de demeurer en contact avec les proches, la famille élargie, les amis éloignés, une communauté d’intérêts, jusqu’à notre ancienne gang du secondaire, de se maintenir au courant d’événements, de se divertir. Toutefois, entreprend­re une réflexion, et respecter de bonnes dispositio­ns propres à nos besoins permettent de favoriser une consommati­on plus avisée de ces plateforme­s.

Au fond, l’équilibre numérique consiste à atteindre, au mieux, le maximum de bienfaits et le minimum de méfaits résultant de l’utilisatio­n des réseaux sociaux. Cela dit, je ne peux pas m’empêcher de rappeler que rien ne remplace une vraie rencontre, en chair et en os, avec l’autre, ce qui contribue à libérer une bonne dose d’ocytocine dans nos cerveaux : l’hormone de l’amour et du bonheur !

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