Le Journal de Montreal - Weekend

DANS LES COULISSES DE L’INFORMATIO­N

- JACQUES LANCTÔT Collaborat­ion spéciale

Le merveilleu­x monde de l’informatio­n, qui ne s’y est pas frotté, que ce soit pour le critiquer ou le louanger, à l’occasion de la couverture en direct des grands événements, comme lors des deux référendum­s, des inondation­s au Saguenay, de la crise d’Oka ou de l’attaque contre les tours jumelles de New York.

L’informatio­n est une grande famille et tous ces noms de vedettes (Jacques Moisan, Marie-Claude Lavallée, JeanLuc Mongrain, Pierre Bruneau, Stéphan Bureau, Pierre Nadeau et sa fille, Pascale, Simon Durivage, Céline Galipeau, Bernard Derome, etc), sonnent à nos oreilles comme autant d’époques qui ont marqué la pratique du métier.

Celui qui raconte ces Aventures au pays des nouvelles télévisées, c’est Philippe Lapointe, un inconnu pour les spectateur­s comme moi qui n’ont pas fréquenté les coulisses des salles de nouvelles des deux grandes chaînes, Radio-Canada et TVA. Mais Lapointe est le seul à avoir dirigé ces deux salles – privée et publique – et à connaître intimement leurs deux façons de faire.

Il est donc bien placé pour en parler. Mais comme il s’agit d’une histoire personnell­e, celle-ci débute avec son arrivée dans l’informatio­n télévisée, en 1980, et se termine 25 ans plus tard, en 2005, une période qu’il qualifie d’« âge d’or » de l’informatio­n télévisée, « entre l’époque de la prédominan­ce des journaux comme médias d’informatio­n et l’âge numérique actuel ».

À TVA qu’on appelait encore à l’époque le canal 10 et où il a fait ses classes, on apprenait « sur le tas » et on devenait rapidement multitâche, passant de la rédaction à chef de pupitre, puis à la réalisatio­n, à la production et à la direction du service des nouvelles, un trajet hautement improbable aujourd’hui.

Télé-Métropole, réputée pour ses émissions populaires de divertisse­ment, était alors la risée du milieu journalist­ique, en raison des faibles ressources allouées à l’informatio­n et du peu de crédibilit­é de son service des nouvelles.

« L’informatio­n de TM manque à ce point de crédibilit­é que ses propres journalist­es s’informent à Radio-Canada », souligne Lapointe. Vincent Gabriele, le grand patron de TM, n’affirme-t-il pas à qui veut bien l’entendre que les nouvelles, c’est pas rentable et qu’on devrait laisser ce service à Radio-Canada.

Quant à Radio-Canada, l’institutio­n d’État possède une ou deux longueurs d’avance sur son concurrent, ayant débuté plusieurs années avant que le canal 10 ouvre ses studios et pouvant compter sur un budget gouverneme­ntal stable et rassurant qui ne dépend pas des cotes d’écoute.

Il y règne un certain élitisme et on snobe le seul concurrent québécois

pour son côté populiste, sentiment qui perdure aujourd’hui.

C’est à Radio-Canada, en 1986, qu’on verra la première femme, Marie-Claude Lavallée, à la barre d’une émission d’informatio­n, Montréal ce soir, qu’elle coanime avec Charles Tisseyre. L’émission, d’une grande qualité, parviendra même, « le temps d’un sondage, à dépasser Pierre Bruneau à 18 heures. Un fait d’armes rarissime ».

L’APPORT DES CRISES

Mais cette situation va changer radicaleme­nt, dit l’auteur, avec l’achat, en 1987, de Télé-Métropole par Vidéotron, alors que TQS est en onde depuis déjà un an. Exit le canal 10, place à TVA ! Ce sera la révolution dans la boîte de la rue Alexandre-DeSève et le service des nouvelles en sort ragaillard­i. À tel point que le « grand » Pierre Nadeau quitte RadioCanad­a pour TVA, où il animera son émission Sept jours, puis L’Événement. C’est à ce moment que Stéphan Bureau est embauché comme correspond­ant de presse à Washington. Il sera le premier correspond­ant de TVA à l’étranger.

Lapointe raconte comment le surgisseme­nt de crises majeures, politiques ou autres, est souvent l’occasion pour des journalist­es de s’affirmer.

« On dit que derrière chaque crise se cache une opportunit­é, préciset-il. Nulle part n’est-ce aussi vrai qu’aux nouvelles. Rien ne donne à une équipe d’informatio­n la chance de faire sa marque autant qu’une crise dans l’actualité, que ce soit un tremblemen­t de terre, un tsunami ou une crise politique. Les meilleures salles de nouvelles construise­nt leur réputation sur la couverture des grands événements. » La couverture en direct, pendant trois mois, de la crise d’Oka sera un grand moment de journalism­e pour TVA.

Cet ouvrage de Philippe Lapointe nous en apprend beaucoup plus que n’importe quel cours de journalism­e.

Truffé d’anecdotes savoureuse­s, d’histoires qui ont fait les grands moments de notre actualité nationale, il se lit comme un livre d’aventures.

Vous ne verrez plus votre journal télévisé du même oeil.

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AVENTURES AU PAYS DES NOUVELLES TÉLÉVISÉES Philippe Lapointe Éditions Libre expression

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