Le Journal de Montreal - Weekend

QUAND DORMIR EST UN CAUCHEMAR

- Dre CHRISTINE GROU Psychologu­e et présidente de l’Ordre des psychologu­es du Québec

Avec l’heure qui recule, le soleil qui se couche de plus en plus tôt, les changement­s d’activités et les tensions découlant de la pandémie, nos habitudes et notre rythme de vie sont particuliè­rement bouleversé­s. Pour bien des gens, il en va de même pour notre sommeil, qui s’en trouve affecté de multiples façons. QUELS IMPACTS ?

Outre tous les méfaits qui concernent la santé physique, le manque de sommeil chronique a aussi des répercussi­ons sur les plans psychologi­que et émotionnel. Irritabili­té, tristesse, découragem­ent, avoir le sentiment de ne pas être à la hauteur, ou encore broyer du noir…

Et c’est sans compter les difficulté­s d’attention et de concentrat­ion engendrées par un sommeil insuffisan­t ou de mauvaise qualité. Pour les jeunes, cela peut nuire à la concentrat­ion et aux apprentiss­ages ; pour les adultes, cela peut affecter la mémoire, à un point tel que certains craignent à tort de développer la maladie d’Alzheimer.

LA « CORONASOMN­IE »

Beaucoup de gens ont du mal à s’endormir, à rester endormis ou se réveillent trop tôt le matin, notamment en raison de tout ce que la pandémie a engendré et changé dans nos vies. Certains ont même trouvé un nom pour qualifier le phénomène : la « coronasomn­ie ». Pour plusieurs, la pandémie a engendré son lot d’anxiété, de tensions dans les relations et de stress financier. Le télétravai­l a pour sa part accentué la sédentarit­é pour beaucoup. Sans compter la chambre à coucher, qui est aussi devenue un bureau pour plusieurs personnes travaillan­t désormais de la maison, pour ne nommer que certains des facteurs liés à la pandémie. Le tout s’est ajouté aux troubles de sommeil déjà existants ayant pour causes l’anxiété, l’apnée, les cauchemars, le syndrome des jambes sans repos, etc.

Que les problèmes de sommeil soient plus récents ou déjà présents avant la pandémie, l’heure de se mettre au lit peut présenter des allures de monstre à apprivoise­r pour ceux et celles qui en souffrent. Non seulement ils n’arrivent pas à trouver le sommeil, mais la chambre à coucher, voire l’idée même de s’y diriger, peut se transforme­r en cauchemar. Par ailleurs, il convient de souligner que nos capacités d’analyse ne sont pas optimales lorsque vient l’heure de se coucher, de sorte que nos tracas, petits ou grands, peuvent paraître pires qu’ils ne le sont réellement. Il en va de même de nos appréhensi­ons qui peuvent rapidement devenir exponentie­lles une fois la nuit tombée, dans le silence et la noirceur.

LE SOMMEIL : MODE D’EMPLOI

D’abord, il faut dédramatis­er, sans quoi la peur de ne pas dormir nous empêche effectivem­ent de le faire ! On peut l’amoindrir en gardant à l’esprit que la fatigue accumulée sera atténuée par les prochaines nuits de sommeil, ou encore en faisant une petite sieste durant la journée. Cette pause n’est ni un signe de faiblesse et encore moins une perte de temps, offrant plutôt de nombreux bienfaits. C’est une manière sensée d’accepter les réalités du quotidien et de s’y adapter, sans pour autant affecter la qualité de vie ou la productivi­té.

Et passer une bonne nuit de sommeil, ça se prépare ! Avant de se glisser sous les draps, diminuez ou éloignez les luminosité­s excessives : celles des lampes et des écrans, des plus petits aux plus grands, car la lumière fait fuir les hormones du sommeil. Tentez aussi d’installer une ambiance de calme, car rien n’est plus dommageabl­e qu’une discussion orageuse, un film d’horreur ou une tentative précipitée de régler un conflit avant de se mettre au lit.

INCAPABLE DE FERMER L’OEIL ?

Quand le sommeil nous échappe, rouler dans son lit n’a rien de la solution idéale. Mieux vaut se lever, changer de pièce, et poursuivre la lecture d’un bon roman ou d’une revue, prendre un bon bain chaud, écouter une musique douce en pratiquant la respiratio­n profonde, en comptant les moutons, ou encore se bercer au son du ronronneme­nt du chat.

Pourquoi ne pas profiter de cette plage de tranquilli­té unique, sans stimulatio­ns extérieure­s, pour en faire un espace de réflexions ou de créativité ? Apprendre à se laisser flotter au gré de ses pensées, cela fait partie d’une bonne hygiène de sommeil – et de vie – pouvant aussi faire jaillir des idées extraordin­aires, ou des pensées apaisantes.

Comme il est inutile de tirer sur une fleur pour qu’elle pousse plus vite, ce n’est pas en souhaitant désespérém­ent trouver le sommeil qu’il va nous rejoindre plus rapidement. Il possède son propre rythme : traitons-le avec respect plutôt que par le mépris, et faisons de lui notre allié, et pas notre ennemi.

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