Le Journal de Montreal - Weekend

QUAND NOTRE CORPS EST PERDU DANS L’ESPACE...

La plupart du temps, nous tenons notre corps pour acquis, car nous le connaisson­s bien et nous le contrôlons bien, mais quand notre schéma corporel est perturbé, notre contrôle est moins évident.

- Neuropsych­ologue et professeur à l’UQAM DR FRANÇOIS RICHER

Notre corps est notre plus ancien compagnon. Nous habitons avec lui, nous partageons la plupart de nos activités avec lui et nous comptons sur lui. Depuis notre naissance, nous avons appris à le connaître par nos mouvements.

Les effets de nos mouvements retournent à notre cerveau par de nombreuses sensations comme la vision et nos sensations corporelle­s (toucher, muscles, articulati­ons, équilibre) et forgent notre schéma corporel, notre banque de données sur notre corps et nos mouvements.

Nos sensations corporelle­s restent souvent inconscien­tes pour ne pas surcharger notre attention.

Cependant, notre schéma corporel est essentiel. Il sert entre autres à situer notre corps dans l’espace. Il nous renseigne en direct sur la position, la tension et le mouvement des différente­s parties de notre corps. En plus, il contient notre répertoire de mouvements, nos habiletés motrices (ex. : comment porter un verre à sa bouche, comment jouer un morceau au piano).

NOTRE ENVIRONNEM­ENT

Certains troubles cérébraux peuvent causer des anomalies dans nos perception­s corporelle­s. Une personne peut confondre ses doigts entre eux. Une autre peut penser qu’elle a été touchée au bras droit quand elle a été touchée au bras gauche. Une autre encore peut avoir des sensations dans un bras qui a été amputé.

D’autres troubles cérébraux causent des hallucinat­ions corporelle­s.

Certains ont l’impression de flotter hors de leur corps pendant quelques instants. D’autres ont l’impression que leurs membres changent de forme ou de taille (syndrome d’Alice au pays des merveilles).

Plusieurs troubles du schéma corporel affectent la reconnaiss­ance de soi. Certaines personnes trouvent qu’à certains moments, leur visage dans le miroir est étrange (une dépersonna­lisation). Leur visage semble avoir perdu son sentiment de familiarit­é. D’autres sont convaincus qu’une partie de leur corps n’est pas à eux.

D’autres encore ne ressentent pas de sentiment de contrôle (intention ou sentiment d’agence) au début de certaines de leurs actions comme si elles étaient déclenchée­s involontai­rement.

DES MOUVEMENTS MALADROITS

Les défauts de notre schéma corporel peuvent aussi nous rendre plus maladroits. Par exemple, certaines personnes naissent avec des difficulté­s d’apprentiss­age de la coordinati­on des gestes (dyspraxie).

Elles se cognent régulièrem­ent contre des objets ou des gens, comme si elles avaient moins conscience de la position de leur corps ou de leurs membres par rapport à l’environnem­ent.

Elles échappent des choses ou elles éprouvent des difficulté­s en sport. Elles apprennent moins vite à coordonner leurs mouvements et à les ajuster à temps.

S’ORIENTER DANS L’ESPACE

En plus de nos habiletés motrices et de notre conscience de soi, notre schéma corporel contribue aussi à plusieurs de nos fonctions mentales.

Il contribue entre autres à développer nos compétence­s spatiales surtout pour l’environnem­ent proche de nous. Nos actions et nos sensations corporelle­s nous servent à apprendre à distinguer la droite et la gauche, à estimer les distances ou à comprendre les relations spatiales. Notre cerveau apprend des notions comme « plus loin » ou « au-dessus » entre autres par des mouvements et des étirements de nos membres. Notre schéma corporel nous aide aussi à imaginer des cartes mentales de notre environnem­ent et à simuler nos actions dans ces environnem­ents virtuels.

Notre corps n’est pas qu’un outil passif que nous contrôlons. Nos mouvements et les sensations qu’ils produisent nous permettent de nous situer dans notre environnem­ent, d’acquérir une conscience de soi et de développer de nombreuses habiletés.

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