Le Journal de Montreal - Weekend
QUAND NOTRE CORPS EST PERDU DANS L’ESPACE...
La plupart du temps, nous tenons notre corps pour acquis, car nous le connaissons bien et nous le contrôlons bien, mais quand notre schéma corporel est perturbé, notre contrôle est moins évident.
Notre corps est notre plus ancien compagnon. Nous habitons avec lui, nous partageons la plupart de nos activités avec lui et nous comptons sur lui. Depuis notre naissance, nous avons appris à le connaître par nos mouvements.
Les effets de nos mouvements retournent à notre cerveau par de nombreuses sensations comme la vision et nos sensations corporelles (toucher, muscles, articulations, équilibre) et forgent notre schéma corporel, notre banque de données sur notre corps et nos mouvements.
Nos sensations corporelles restent souvent inconscientes pour ne pas surcharger notre attention.
Cependant, notre schéma corporel est essentiel. Il sert entre autres à situer notre corps dans l’espace. Il nous renseigne en direct sur la position, la tension et le mouvement des différentes parties de notre corps. En plus, il contient notre répertoire de mouvements, nos habiletés motrices (ex. : comment porter un verre à sa bouche, comment jouer un morceau au piano).
NOTRE ENVIRONNEMENT
Certains troubles cérébraux peuvent causer des anomalies dans nos perceptions corporelles. Une personne peut confondre ses doigts entre eux. Une autre peut penser qu’elle a été touchée au bras droit quand elle a été touchée au bras gauche. Une autre encore peut avoir des sensations dans un bras qui a été amputé.
D’autres troubles cérébraux causent des hallucinations corporelles.
Certains ont l’impression de flotter hors de leur corps pendant quelques instants. D’autres ont l’impression que leurs membres changent de forme ou de taille (syndrome d’Alice au pays des merveilles).
Plusieurs troubles du schéma corporel affectent la reconnaissance de soi. Certaines personnes trouvent qu’à certains moments, leur visage dans le miroir est étrange (une dépersonnalisation). Leur visage semble avoir perdu son sentiment de familiarité. D’autres sont convaincus qu’une partie de leur corps n’est pas à eux.
D’autres encore ne ressentent pas de sentiment de contrôle (intention ou sentiment d’agence) au début de certaines de leurs actions comme si elles étaient déclenchées involontairement.
DES MOUVEMENTS MALADROITS
Les défauts de notre schéma corporel peuvent aussi nous rendre plus maladroits. Par exemple, certaines personnes naissent avec des difficultés d’apprentissage de la coordination des gestes (dyspraxie).
Elles se cognent régulièrement contre des objets ou des gens, comme si elles avaient moins conscience de la position de leur corps ou de leurs membres par rapport à l’environnement.
Elles échappent des choses ou elles éprouvent des difficultés en sport. Elles apprennent moins vite à coordonner leurs mouvements et à les ajuster à temps.
S’ORIENTER DANS L’ESPACE
En plus de nos habiletés motrices et de notre conscience de soi, notre schéma corporel contribue aussi à plusieurs de nos fonctions mentales.
Il contribue entre autres à développer nos compétences spatiales surtout pour l’environnement proche de nous. Nos actions et nos sensations corporelles nous servent à apprendre à distinguer la droite et la gauche, à estimer les distances ou à comprendre les relations spatiales. Notre cerveau apprend des notions comme « plus loin » ou « au-dessus » entre autres par des mouvements et des étirements de nos membres. Notre schéma corporel nous aide aussi à imaginer des cartes mentales de notre environnement et à simuler nos actions dans ces environnements virtuels.
Notre corps n’est pas qu’un outil passif que nous contrôlons. Nos mouvements et les sensations qu’ils produisent nous permettent de nous situer dans notre environnement, d’acquérir une conscience de soi et de développer de nombreuses habiletés.