Le Journal de Montreal - Weekend

UN JEAN-PAUL DUBOIS SOMBRE ET BEAU

Mettant un peu de côté sa drôlerie habituelle, l’écrivain français JeanPaul Dubois signe une singulière histoire de vengeance.

- KARINE VILDER Collaborat­ion spéciale

Dans L’origine des larmes ,letout nouveau Jean-Paul Dubois, il pleut d’un bout à l’autre. Une pluie incessante qui perdure depuis déjà deux ans, la météo ayant été déréglée pour de bon par les hommes.

« La pluie est un personnage du livre presque aussi important que tous les autres et pour que ça soit plausible, il fallait laisser au mauvais temps le temps de s’installer dans le temps, précise l’écrivain toulousain lors de son passage à Paris. C’est pour ça que l’histoire se déroule en 2031. Les dernières études sur les glaciers dans l’Antarctiqu­e laissent à croire que leur fonte fera refroidir les courants, ce qui pourrait se traduire par de grandes vagues de pluie dans le sud de l’Europe. Toute cette pluie donne un cachet, une atmosphère que moi j’adore ! » Chose sûre, Jean-Paul Dubois ne pouvait imaginer meilleur climat pour coller à la sombre histoire de Paul Sorensen, un type à la tête d’une entreprise de housses mortuaires qui va faire un truc complèteme­nt fou : se rendre à la morgue et tirer deux balles dans le crâne de son père, Thomas Lanski… alors que ce dernier est mort de sa belle mort deux semaines plus tôt, à l’âge très respectabl­e de 82 ans.

Il faut l’avouer, ce n’est pas souvent qu’on voit ça !

UNE RELATION ORAGEUSE

Même si faire feu sur un cadavre ne peut être assimilé à une tentative de meurtre, Paul sera néanmoins condamné. Pas à la prison, mais à des séances mensuelles chez un psy. Chaque mois il devra ainsi passer quelques heures en compagnie du Dr Guzman afin d’expliquer coûte que coûte ce qui a bien pu le pousser à commettre un parricide post mortem. Et assez vite, on comprendra que les raisons ne manquaient pas, son géniteur ayant été un homme abject aussi malfaisant que tordu, un homme sadique qui semble avoir tout fait et tout dit pour être haï de son fils.

« Je pense que le point de départ de ce livre remonte à 1961, explique Jean-Paul Dubois. J’ai 11 ans et, assis dans la voiture de mon père, j’entends à la radio l’annonce de la mort de Dag Hammarskjö­ld, le secrétaire général de l’ONU. Son nom est resté dans ma tête, je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce qu’il est mort, peut-être parce qu’on était en voiture, peut-être parce qu’il a été abattu. Mais ensuite, je me suis documenté sur lui, sur sa vie et il y a quelques années, j’ai écrit une nouvelle intitulée Dag Hammarskjö­ld. Je pensais en avoir fini avec lui, et puis il est devenu les fondations qui ne se voient pas de ce livre, qui s’est petit à petit construit autour de lui. »

Car un beau jour, Thomas Lanski affirmera entre autres à Paul que Dag Hammarskjö­ld était le père de sa mère morte en couches, donc son grandpère. Le hic, c’est que ce prix Nobel de la paix n’a jamais eu de fille. Ni de fils, d’ailleurs…

TROP SOMBRE ?

« L’histoire est perturbant­e et de tous les livres que j’ai faits, c’est le seul qui m’a mis mal à l’aise du début à la fin, confie Jean-Paul Dubois. Trop de morts, trop de souffrance, trop de tristesse, trop de solitude. C’est aussi celui qui m’a le plus accablé physiqueme­nt.

« Normalemen­t, j’écris mes livres entre le 1er et le 31 mars, poursuit Jean-Paul Dubois. Mais là, comme j’ai eu des difficulté­s personnell­es pendant quelque temps, je m’y suis mis du 1er au 31 août. Et durant cette période, à Toulouse, il a fait 40 degrés pendant la journée, et 30 degrés la nuit. J’ai donc travaillé sur L’origine des larmes dans le noir, à l’abri du soleil, dans une ville où il n’avait pas plu depuis deux mois et demi au jour de la première ligne. Alors, écrire quelque chose qui était quasiment glacial dans un four, ça m’a troublé ! »

Pendant un moment, il s’est même dit qu’il n’allait pas le publier, parce qu’il lui faisait penser aux premiers films de Lars von Trier, extrêmemen­t sombres.

« Puis j’ai relu le livre et tout d’un coup, il y a des choses que j’ai adorées chez lui », conclut-il.

Après une seule lecture, c’est également ce qu’on a ressenti.

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PHOTO FOURNIE PAR LES ÉDITIONS DE L’OLIVIER
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Jean-Paul Dubois Éditions de l’Olivier 256 pages
L’ORIGINE DES LARMES Jean-Paul Dubois Éditions de l’Olivier 256 pages

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