Le Journal de Montreal

Plus d’excuses (1 re partie)

- LISE RAVARY Blogueuse au Journal Communicat­rice, journalist­e et chroniqueu­se

«Il aurait battu sa copine et s’en serait vanté sur Facebook».

Ce titre dans Le Journal m’a jetée par terre. Idem pour cette nouvelle annonçant l’arrestatio­n de quatre proxénètes qui utilisaien­t des femmes comme de la marchandis­e, du bétail humain. Sommes-nous vraiment en 2015? Les raisons de s’indigner, de coller au plafond ne manquent pas. Chaque groupe cible sa cause: étudiants, fonctionna­ires, contribuab­les, automobili­stes, etc. Mais il y a de ces causes qui devraient toucher tous les êtres humains, sans distinctio­n de race, d’âge ou de sexe.

Avant de me sortir les statistiqu­es sur la violence féminine – oui, elle existe – pourrions-nous nous entendre pour dire qu’il existe des actes de violence dont les femmes sont majoritair­ement victimes – viol, violence conjugale, harcèlemen­t criminel, trafic de personnes?

vIOLENCE Et INtIMIDAtI­ON

Cette violence devrait scandalise­r tout le monde. Il n’est pas normal, en 2015, qu’une femme ne puisse rentrer chez elle le soir sans que se contracte son estomac quand elle entend des pas derrière elle. Qu’elle ne puisse rouler à vélo dans un parc sans craindre d’être violée et tuée. Que son corps ne soit pas trafiqué comme une vulgaire marchandis­e. Qu’elle ne soit pas la cible de harcèlemen­t?

L’écrivaine et chroniqueu­se Geneviève Petersen a été bannie de Facebook pendant 24 heures pour avoir partagé le message d’un harceleur qui se désolait qu’elle ne soit pas morte, ajoutant: «L’Humanité n’aurait perdu ni une bonne mère, ni une grande écrivaine, juste une cruche, une nunuche, une plotte en peluche.» Et ça, c’est soft .

FÉMINIsME MAtANtE

Je suis féministe depuis le début des années 70. Une féministe ordinaire qui adore les hommes, qui ne croit pas que les femmes sont d’un naturel angélique. Qui a marché pour le droit à l’avortement, le droit à l’égalité des chances. Qui a écrit des dizaines de textes sur la condition féminine. Rien de bien radical, mais constant.

Aujourd’hui, je sens ma colère monter comme jamais auparavant. Il y a 50 ans, la plupart des gens n’étaient pas sensibilis­és à la cause des femmes. On ne voyait rien de mal à raconter des blagues sexistes, une femme gagnait moins qu’un homme parce que son premier rôle dans la vie était d’être mère. On utilisait des expression­s comme chef de famille pour décrire les pères et ménagères pour les mères qui portaient le nom du mari. La violence conjugale était considérée comme une affaire intime. Les femmes ne s’appartenai­ent pas.

On ne connaissai­t pas mieux. Mais aujourd’hui, nous savons.

pAs uNE CHOsE

Ce garçon de 18 ans de Valleyfiel­d – pas New Delhi – qui a battu sa petite amie a non seulement affiché des photos d’elle et de son visage tuméfié sur Facebook, mais les images choquantes étaient accompagné­es de ce message: C sa ke sa fais quand ta blonde vx pas tecouter». (Il faut le lire à voix haute.) Personne n’a dit à ce garçon que les femmes ne sont pas les choses de qui que ce soit? Qu’elles n’ont pas à obéir? Pourquoi ne sait-il pas?

Les choses semblent avoir si peu changé. Par moments, j’ai l’impression que l’on régresse. Je me demande: le féminisme a-t-il échoué dans sa lutte contre la violence contre les femmes?

Tentative de réponse demain.

Personne n’a dit à ce garçon que les femmes ne sont pas les choses de qui que ce soit ? Qu’elles n’ont pas à obéir ?

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