À quand une rue Mordecai Richler ?
Monsieur le maire de Montréal, Denis Coderre
Plus de 14 ans après sa mort, la ville de Montréal vient de rendre hommage à Mordecai Richler en renommant une bibliothèque en son honneur. Enfin! Il était plus que temps.
Mordecai Richler est un des plus grands écrivains québécois. Son oeuvre littéraire transcende sa province natale et appartient désormais au monde entier.
Richler, d’origine juive mais athée, aurait probablement trouvé très drôle qu’une ancienne église protestante avec vitraux, convertie en bibliothèque publique, porte son nom.
Une bibliothèque, c’est bien, mais pourquoi ne pas renommer une rue du nom de «Mordecai-Richler»?
De plus, il serait avisé d’installer devant le modeste triplex de la rue St-Urbain qui l’a vu naître, dans le quartier qui a inspiré une bonne partie de son oeuvre, une plaque commémorative?
D’ailleurs, et qu’on me permettre cette digression, pourquoi ne pas accoler des plaques devant les maisons de Claude Gauvreau, Michèle Lalonde, Gabrielle Roy, Michel Tremblay, Hubert Acquin, Olivar Asselin, Gabrielle Roy, Anne Hébert, Stephen Leacock et tous nos grands auteurs? À Paris et à Londres, partout on retrouve des indices du passage d’écrivains, de journalistes et d’artistes. Montréal, une ville d’arts et d’histoire, j’y crois.
Cela dit, on ne peut nier qu’honorer certains de ces auteurs dérangerait au plus haut point. Mais n’est-ce pas là le propre de l’auteur, de déranger?
Souvenons-nous qu’en 1991, Gilles Duceppe a traité Richler de raciste de la pire espèce en raison d’une longue tirade publiée dans le New Yorker et parut sous forme de livre intitulé Oh
Canada, oh Québec . Mordecai Richler, le polémiste, n’avait aucune sympathie pour le nationalisme québécois, qu’il trouvait étroit et bourré de préjugés envers les minorités, les juifs entre autres.
Il y a aussi Richler le satirique qui, dans la tradition de Jonathan Swift, n’acceptait aucune religion ou idéologie, la règle étant d’offusquer tout le monde. Les membres des communautés juives et anglophones se souviennent eux aussi de ses nombreux textes incendiaires. On peut dire qu’il a réussi à déranger tout le monde avec brio. Comme féministe, je peux en témoigner.
Il faut donc faire abstraction du chroniqueur Richler et honorer le romancier Richler. Les deux existent, mais le second s’avère plus important que le premier.
Monsieur le maire, à quand une rue «Mordecai-Richler»?