Le Journal de Montreal

Où allons-nous ?

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier @quebecorme­dia.com

Le refus des manifestan­ts de présenter aux autorités policières leur itinéraire est un symbole fort et inquiétant d’un certain québec qui s’affiche aujourd’hui. Descendre dans la rue devient un «happening» sinon un espoir plus ou moins avouable qu’il s’y passe quelque chose.

Ce quelque chose, évidemment, c’est l’incident qui justifiera tous les débordemen­ts, mais surtout qui accréditer­a l’opinion répandue que notre société se caractéris­e par la répression policière.

Les mots ne sont jamais innocents. De bonnes âmes de la Ligue des droits et libertés, des porte-parole estudianti­ns, des syndicalis­tes sont ou bien convaincus, ou bien profondéme­nt malhonnête­s ou ignorants pour affirmer pareille grossièret­é.

DÉMOCRATIE DIRECTE

Ajoutons à cela qu’il s’est installé depuis, cette idée perverse de la supériorit­é de la démocratie directe, c’est-à-dire en clair, de la rue qui supplanter­ait la démocratie parlementa­ire. Cette vision sociale s’est cristallis­ée lors des turbulence­s du printemps 2012.

L’idée que l’Assemblée nationale est une institutio­n dépassée sinon inutile, que les députés sauf ceux de Québec solidaire et en particulie­r Amir Khadir, celui-là même qui a pratiqué la désobéissa­nce civile en 2012 et qui appelle à la révolution populaire dès qu’on lui met un micro sous le nez, cette idée donc que les élus du peuple sont tous des «pourris» et des «corrompus» habite l’esprit de trop de Québécois dont nombre de jeunes militants. Il faut donc en conclure que ces derniers ont été endoctriné­s par des professeur­s peu enclins à pratiquer la distance critique dans leurs salles de cours et qui au contraire et à l’exemple des clercs trop moralisate­urs d’antan sèment la bonne parole aux enfants d’aujourd’hui.

Comment une minorité d’agitateurs prosélytes en est-elle arrivée à polluer à ce point l’esprit de nombre de citoyens habités par les valeurs de solidarité et de justice sociale et qui se retrouvent plus ou moins consciemme­nt dans les rets de ces demi-civilisés déguisés en commandos et qui mènent des combats sans issue parce que trop vagues.

POURQUOI SOMMES-NOUS SI CYNIQUES ?

Manifester contre l’austérité en général, contre le pétrole par ailleurs, contre le patriarcat politique mène à un mur si aucune solution à court terme ne permet de mettre fin aux manifestat­ions. Autrement dit, les manifestan­ts risquent de continuer à descendre dans la rue durant les vingt prochaines années, car pour un, la reconversi­on du pétrole n’est pas pour demain et l’austérité perdurera jusqu’à ce que l’économie retrouve de la vigueur.

Pourquoi au Québec sommes-nous si découragés, si cyniques, si désemparés quant à l’avenir qui est infiniment moins noir que ce qui se passe ailleurs sur la planète? N’y a-til pas une explicatio­n à chercher du côté de la mise à mal de nos institutio­ns dans la débâcle sociale de la période grisante où nous avons déboulonné nos héros, désacralis­é les mythes qui nous ont rassemblés et où nous avons sauté à pieds joints dans le plaisir de l’affranchis­sement personnel plutôt que de protéger quelques valeurs collective­s? Par exemple, le respect des autres, une forme de politesse entre nous qui permet aux débats d’idées de ne pas verser dans l’injure, l’intoléranc­e, voire dans la haine. Ce qui, hélas, nous menace désormais, nous qui croyions être à l’abri des excès du monde. Comme citoyen, êtes-vous découragés et cyniques quant à l’avenir de nos enfants ? Jdem.com/opinions

Ajoutons à cela cette idée perverse que la démocratie directe supplanter­ait la démocratie parlementa­ire

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