Le Journal de Montreal

MAXIM MARTIN

Les vieux

- MAXIM MARTIN

Pendant des siècles et des siècles, les aînés étaient les piliers de la famille et de nos sociétés. On puisait dans leur sagesse. C’est eux qui gardaient l'histoire d'un peuple en vie. Ils nous inculquaie­nt traditions et coutumes ainsi que les grands égarements qui nous attendaien­t, basés sur les erreurs de leur propre vécu. Toujours avec raison? Bien sûr que non, mais au moins ils offraient une base.

Alors, quand est-ce que ça s'est perdu tout ça?

CONFESSION

Je vais y aller d’une confession personnell­e. Quand je me retrouve entouré de vieilles personnes, ça me confronte à ma propre mortalité. Je vis dans un déni total et refuse presque de faire face à ce qui m'attend un jour.

J'essaye de chasser les images de mes capacités qui s'affaibliss­ent, de ma démarche plus lourde. Je stresse sur les maladies qui m'attendent et les activités de mon quotidien auxquelles je vais être obligé de renoncer. Comme plusieurs, je suis un hypocrite!

Je suis carrément outré par les histoires d'abus contre les vieux, de négligence et l'abandon total des ces vétérans de la vie devenus une simple présence sur un portrait de famille.

Pendant que je me console à me dire que j'ai le coeur à la bonne place, j'avoue que je ne me rappelle plus c'est quand la dernière fois que j'ai appelé ma grand-mère pour prendre de ses nouvelles?

Où sont les mercis pour les poudings chômeur réconforta­nts, l'argent toujours glissé à l'intérieur d'une carte d'anniversai­re et les cornets de crème glacée dont il ne fallait pas parler à maman et papa?

UNE RENCONTRE

Hier, en profitant de la belle journée, j'ai croisé un monsieur de 80 ans qui s'est mis à me parler et, je vous jure, j'ai rarement ri comme ça.

Voici quelques-unes des perles qu'il m'a lancées:

- «Y a quelqu'un qui a déjà dit que les vieux pensaient moins à la mort. Faut tu être assez épais pour dire ça!!! Voyons donc... quand t'as besoin d'aide pour prendre ton bain et que tu portes une couche... tu te doutes ben qu'il t'en reste plus pour longtemps.»

- « Le cancer... Bonne chance, le grand! Si tu peux trouver des organes qui ne sont pas déjà trop amochés, amuse-toi avec ce qu'y te reste.»

- «Une des choses qui est plate quand t'es vieux, c'est ta lenteur. Tout le monde te dépasse, tout est plus rapide que toi. T'apprécies les journées venteuses juste pour avoir le plaisir de marcher plus vite.» Quelle rencontre formidable! Je suis parti en me disant que malgré les bobos et les douleurs, malgré la tristesse de voir tes capacités s'affaiblire­nt, si tu es capable de garder ton sens de l'humour jusqu'à la fin de tes jours, c’est déjà ça.

Du coup, j'ai déjà un peu moins peur de vieillir!

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