Le Journal de Montreal

Manifester pour les bonnes raisons

- NATHALIE ELGRABLY-LEVY

Après avoir investi les rues pour dénoncer les mesures budgétaire­s des gouverneme­nts Charest et Marois, les étudiants récidivent pour signifier leur opposition aux initiative­s du gouverneme­nt Couillard.

Selon Camile Godbout, porte-parole de l’ASSÉ, «Les conséquenc­es négatives des mesures d’austérité se font déjà sentir de façon drastique». Pour l’ASSÉ, de telles mesures «font de l’éducation une marchandis­e et diminuent inévitable­ment l’accessibil­ité».

Le slogan est accrocheur, mais si l’ASSÉ et les syndicats qui l’endoctrine­nt avaient passé moins de temps dans la rue et plus de temps à fouiller les plus récentes statistiqu­es sur l’éducation, leurs discours auraient été plus éclairés. Entre autres, ils sauraient que: √ Le Québec est la province où le gouverneme­nt contribue le plus au financemen­t des collèges et des université­s. √ Entre 1986 et 2012, le taux d’accès aux études collégiale­s a grimpé de 58,3% à 63,9%. Pour le baccalauré­at, il a bondi de 30,1% à 44,4%. √ Entre 1986 et 2011, le taux d’obtention d’un diplôme est passé de 19% à 33,2% au baccalauré­at, de 3,9% à 10,2% en maîtrise et de 0,5% à 1,7% au doctorat. √ Entre 2002 et 2011, le nombre de baccalauré­ats décernés a augmenté de 20%, tandis que l’effectif au premier cycle était en hausse de 13,3%. Problème d’accessibil­ité, dites-vous? Non seulement l’université est plus accessible que jamais, mais même les diplômes semblent nettement plus faciles à décrocher!

UN SYSTÈME DÉFICIENT

Cela dit, le système d’éducation québécois est truffé de déficience­s et il suffirait aux étudiants d’un minimum de réflexion pour être ensevelis sous une avalanche de bonnes raisons d’être inquiets. Citons par exemple le fait que le Québec enregistre la proportion la plus élevée au Canada de diplômés universita­ires avec un niveau 2 ou moins (sur 5 niveaux) en littératie. En numéracie, seuls le Manitoba et le Nouveau Brunswick font pire que le Québec.

Signalons également que le coût réel par étudiant au niveau collégial a augmenté de 20,8% entre 1999 et 2011, tandis que le rapport étudiant-enseignant s’est amélioré d’à peine 8%.

IMPORTANT TAUX DE DÉCROCHAGE

Pour ce qui est de l’enseigneme­nt secondaire, le Québec affiche le plus haut taux de décrochage au Canada, alors que le rapport élève-enseignant, qui a toujours été le plus faible au Canada, a diminué de 15,3% entre 1999 et 2011, et ce, bien que les dépenses réelles par élève des commission­s scolaires aient augmenté de 45,6% au cours de la même période.

Ces hausses de coûts sont d’autant plus singulière­s que ni l’enseigneme­nt des règles d’orthograph­e ni celui des mathématiq­ues n’ont gagné en complexité.

Certes, le budget alloué au ministère de l’Éducation pour 2015-2016 augmente d’à peine 0,2%. Mais vu la croissance historique illégitime du coût par étudiant, peut-on réellement crier à l’austérité?

Les étudiants devraient-ils manifester? Absolument! Ils devraient dénoncer la piètre performanc­e de leur système d’éducation et non le fait que le gouverneme­nt résiste à la culture d’un gaspillage éhonté maintenant bien ancrée et entretenue par les mêmes syndicats que ceux qui incitent les étudiants à marcher contre l’austérité.

Les étudiants devraient-ils manifester ? Absolument ! Ils devraient dénoncer la piètre performanc­e de leur système d’éducation.

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