Le Journal de Montreal

Histoire de Montréal

- PHOTOS COURTOISIE DES ARCHIVES MUNICIPALE­S DE MONTRÉAL

Longtemps avant l’américanis­ation du monde, Montréal fut «américaine», très brièvement. Le 13 novembre 1775, les clefs de la ville sont remises au général Montgomery. En fait, c’est avant l’indépendan­ce des États-Unis que nous avons été conquis par ceux-ci, qui étaient encore, pour peu de temps, les Treize colonies.

Ce fut une douce «occupation». Nos «conquérant­s» américains ne venaient pas pour nous écraser ou nous dominer. Au contraire, ils venaient nous courtiser! Ils nous faisaient les yeux doux pour que nous les rejoignion­s dans leur guerre d’indépendan­ce contre la Grande-Bretagne.

La ville est alors déchirée. Les Britanniqu­es se font petits dans leurs souliers. Quant aux Canadiens, les voilà devant un dilemme! Impossible de savoir ce que nous serions devenus si nous nous étions embarqués dans la guerre d’indépendan­ce américaine aux côtés de George Washington. Comment expliquer que nous soyons demeurés indifféren­ts aux sirènes des patriotes américains? Cela s’explique par le fait que, pour un Canadien du XVIIIe siècle, un Anglais, c’est un Anglais, qu’il soit américain ou britanniqu­e. De plus, l’Église de Mgr Briand soutient que ces protestant­s militants vont nous faire perdre notre foi catholique, de même que notre langue, puisque ces voisins du Sud n’ont que faire du droit civil français.

CHARME ANGLAIS

L’immense population des Treize colonies aurait eu tôt fait de nous engloutir. Mieux valait avoir un maître loin à l’étranger, la Couronne, à Londres, que d’être soumis à la domination immédiate d’un voisin capable de nous envahir. Voilà ce que plaide l’Acte de Québec de 1774, qui est aussi une offensive de charme à notre endroit, de la part du souverain anglais. Ne nous permet-il pas de garder notre langue et notre religion? Lord Dorchester, qui nous gouvernait alors, a déjà fui Montréal pour se replier à Québec lorsque les troupes américaine­s bivouaquen­t à l’île Saint-Paul, l’actuelle île des Soeurs, et le général Montgomery s’établit dans le château Ramezay. Les Américains se mettent en devoir de nous parler pour nous convaincre de nous joindre à eux… pour nous venger des Britanniqu­es.

L’imprimeur Fleury Mesplet, dont la maison existe encore à l’angle des rues Saint-Paul et Saint-Sulpice, était un proche de Benjamin Franklin et distribuai­t des tracts proamérica­ins. Il était même venu de Philadelph­ie avec sa machine à imprimer pour diffuser sa propagande anti-britanniqu­e. On refuse l’invitation en croyant que ce conflit ne nous regarde pas. Ce choix nous a-t-il été bénéfique? Bonne question. Une chose est sûre: tout l’héritage britanniqu­e, architectu­ral, de Montréal, n’existerait pas si les Canadiens de 17751776 avaient finalement rallié les Américains. Mais c’est bredouille­s que Benjamin Franklin et les siens quittèrent Montréal en juin 1776, soit environ sept mois après la prise de la ville.

Combien de temps ces alliés intéressés auraient-ils respecté le territoire immense du Canada qui leur coupait l’Ouest? Pas plus d’une semaine, probableme­nt! Et ça aurait été la guerre.

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1. Le général Montgomery s’est installé dans le château Ramezay devant l’actuel hôtel de ville de Montréal. 2. Impossible de savoir ce que nous serions devenus si nous avions participé à la guerre d’indépendan­ce américaine aux côtés de George...
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Gilles Proulx gilles.proulx @quebecorme­dia.com Avec la collaborat­ion de Louis-Philippe Messier

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