Le Journal de Montreal

Eugenie assimilée... Pardon ?

- JONATHAN TRUDEAU Blogueur des Spin Doctors @JETrudeau

J’éprouve un immense respect pour mon collègue Mathieu BockCôté. Il possède une plume sensationn­elle, une culture générale d’exception et un franc-parler digne de mention. Mais je ne peux qu’exprimer mon désaccord avec celui-ci suite à la parution, il y a quelques jours, de sa chronique «Eugenie, l’assimilée».

Dans ce texte, mon collègue avance qu’Eugenie Bouchard serait une assimilée, c’est-à-dire «une personne née québécoise, mais qui s’est laissé dévorer par la culture nord-américaine… Un Québécois chez qui l’identité québécoise s’efface». Selon lui, la langue française serait une langue «étrangère» pour la jeune vedette internatio­nale.

UNE CANADIENNE

Tout d’abord, mettons une chose au clair: Eugenie Bouchard est une Canadienne. Elle est également québécoise. Puis montréalai­se et même westmounta­ise.

Le français est sa langue seconde et non pas une langue étrangère. Elle ne «baragouine» pas les mots de Molière. Elle éprouve certes une plus grande aisance dans la langue de Shakespear­e, mais s’exprime mieux en français que la plupart des Québécois ne le font en anglais.

En quoi serait-elle moins «québécoise» qu’un unilingue francophon­e? Et après cela, les souveraini­stes viendront nous dire qu’ils ne comprennen­t pas pourquoi la communauté anglophone refuse d’adhérer à leur projet de pays!

Ne lui en déplaise, Mathieu Bock-Côté dépeint à mon sens deux classes de Québécois. Les francos et les anglos. Les bons et les mauvais.

MODÈLE

De surcroît, la jeune Bouchard ne serait pas un bon modèle pour la jeunesse en raison de son côté trop «anglophone». Personnell­ement, je ne saurais faire de différence entre un modèle «sportif» et un modèle «identitair­e». Les jeunes sont en quête de modèles, point.

Dans le cadre des Jeux olympiques de Rio, des dizaines d’athlètes canadiens alimentero­nt un immense sentiment de fierté d’un océan à l’autre de par leurs exploits.

Est-ce que nous vibrons un peu plus fort quand ces athlètes proviennen­t du Québec? Bien évidemment! Et les gens de Gatineau encore plus lorsque l’athlète est gatinois. Sans compter les voisins, les anciens camarades de classe et la famille. Plus le lien est étroit, plus la fierté est profonde.

Mais est-ce que les exploits olympiques des Clara Hughes du Manitoba, Christine Sinclair de la Colombie-Britanniqu­e, Sydney Crosby de la NouvelleÉc­osse ou encore Donovan Bailey de la Jamaïque ont moins inspiré des milliers de jeunes Québécois parce que ces athlètes ne parlaient pas un français sans accent?

C’est une chose de vouloir protéger notre langue comme il se doit. Ce que nous faisons bien dans l’ensemble, à mon avis. Mais c’en est une autre d’exiger de nos athlètes de répondre à des critères sociopolit­iques propres à une certaine idéologie. C’est bien d’être français. Mais ce n’est pas mal d’être anglophone.

Eugenie Bouchard n’a pas de problème de langue. Si elle veut continuer d’inspirer la jeunesse québécoise, c’est son tennis et son attitude qu’elle doit parfaire. Pas son français.

 ??  ?? Ancien conseiller du premier ministre Charest
Ancien conseiller du premier ministre Charest

Newspapers in French

Newspapers from Canada