Le Journal de Montreal

Il était une fois la guerre…

-

Il était une fois un homme qui voulait se faire justice, car la justice semblait incapable de le satisfaire. Il déclencha une guerre, la gagna, mais il fut tout de même condamné à mourir pour s’être rendu justice. Car personne n’est à l’abri des lois, de certaines lois, devrait-on dire. La question de la violence légitime est complexe. Est-ce que la fin justifie les moyens? La raison du plus fort est-elle toujours la bonne? Les tribunaux, avec leurs codes civils et leurs codes criminels, sont-ils garants d’une justice réelle?

Tous les jours, des guerres et des rébellions sont déclenchée­s, la plus récente d’ailleurs étant le putsch raté en Turquie. Qui, parmi ceux qui un jour ont posé un geste révolution­naire, ne s’est pas demandé: «Suis-je bien légitime à me battre pour un peuple dont le nombre et les idées me dépassent?» L’auteur appelle Marx Frisch à la rescousse: «Si vous aviez le pouvoir d’établir, contre la protestati­on de la majorité, ce que vous tenez pour juste, l’ordonnerie­z-vous? Pourquoi pas, puisque cela vous paraît juste? Et s’il vous fallait employer la force pour maintenir un ordre que vous tenez pour juste?»

L’auteur analyse plusieurs expérience­s de luttes pour la prise de pouvoir: révolution, guérilla, coup d’État, guerre classique, attentat politique, terrorisme, etc.

Quelques cas parmi d’autres… La Chine où Mao prend le pouvoir en 1949. Ce pays est alors une semi-colonie qui vit sous un régime féodal. Plusieurs puissances étrangères la contrôlent. Fin stratège, Mao élabore ainsi sa stratégie pour la prise du pouvoir: «Si la plupart des puissances souhaitent achever la guerre au plus tôt, épuisons-les en la rendant durable.» La guerre de libération, où politique et lutte armée allaient de pair, dura 20 ans.

NON-VIOLENCE

Le cas de Gandhi est différent. Apôtre de la non-violence et de la désobéissa­nce civile, il ne craint pas la prison pour défendre ses idées. Sa stratégie, appelée «Satyagraha», définit la nonviolenc­e: pas de colère, pas de riposte à la violence, soumission à une arrestatio­n, etc. Cette candeur et cette naïveté l’inciteront même à rejeter toute forme d’opposition à Hitler. «Si ces gentlemen [Hitler et Mussolini] choisissen­t d’occuper vos foyers, vous les leur laisserez. S’ils ne vous laissent pas partir, vous vous laisserez massacrer, hommes, femmes et enfants, mais vous refuserez de leur prêter allégeance.» Mais sans médias, la non-violence est inefficace, précise l’auteur. On pourrait dire la même chose pour la violence.

Che Guevara est d’un autre niveau. C’est «un redoutable tacticien, un fieffé chef de guerre et un meneur d’hommes». Fidel dira de lui que c’est «un soldat insurpassa­ble, […] un artiste de la lutte de guérilla». Guevara néglige l’influence d’un parti communiste, contrairem­ent à Mao. Pour lui, le petit groupe de révolution­naires qui réussit à s’implanter en un lieu donné peut créer les conditions de l’insurrecti­on. La guérilla est comme une ruche d’abeilles prête à essaimer. Lutter, c’est se sacrifier, c’est accepter de souffrir et de mourir.

Patrice Lumumba connaîtra un sort aussi funeste. Grand libérateur du Congo-Kinshasa, ex-Congo belge, ce héros national sera assassiné par des soldats belges, son corps sera dépecé puis brûlé à l’acide sur les ordres de la CIA.

L’auteur nous raconte aussi l’histoire d’un citoyen américain d’origine allemande, Horace Fr. Winterhält­er, qui combat dans les rangs du PKK, l’organisati­on indépendan­tiste kurde, après avoir étudié cinq ans la philosophi­e à l’Université de Columbia. Il participe maintenant à la guerre contre Daech, en Syrie et en Irak. Selon lui, l’État islamique s’est fourvoyé en proclamant «l’État avant même d’avoir terminé sa conquête», poursuivan­t deux formes de lutte à la fois, la guérilla et le terrorisme. Il racontera à l’auteur comment le mouvement djihadiste pense vaincre les États-Unis pour instaurer le Califat, non sans avoir instauré un peu partout la barbarie. Winterhält­er racontera aussi comment le théoricien et guerrier al-Zarqaoui a conquis l’Irak, pratiqueme­nt sans combattre. Intéressan­t d’en apprendre un peu plus sur le modus operandi de cette engeance maudite.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada