Le Journal de Montreal

Le harcèlemen­t au féminin

- LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Je me sens très mal à l’aise face à ce que je vis et je ne sais trop à qui m’adresser pour savoir comment m’en sortir. Je ne veux pas en parler avec mes collègues pour ne pas que ça s’ébruite et que ça puisse nuire à l’entreprise de télécommun­ications pour laquelle je travaille. Et comme j’adore mon travail, je ne voudrais pas non plus être mal vu et risquer d’être foutu à la porte.

Diplômé en sciences politiques de l’université de Montréal depuis un an mon expérience sur le terrain est limitée. Ce qui fait que jamais je ne me serais imaginé me retrouver face à un problème du genre « classique » quand il arrive à une femme, mais plutôt rare quand un homme en est victime. Du moins je n’ai entendu parler de harcèlemen­t sexuel qu’en version féminine.

Il y a deux mois, on m’a confié la gestion d’un important compte pour ma compagnie. Une grosse responsabi­lité. Au début tout allait sur des roulettes et ma relation avec la cliente, une des viceprésid­ente de sa firme, était au beau fixe. Mais depuis quelques semaines, cette dame de 20 ans mon aînée, me fait des avances de plus en plus claires et de plus en plus osées, au point que j’ai peur de la perdre comme cliente si je ne me plie pas à ses volontés.

Je me suis confié à un ancien camarade de faculté de qui je suis resté proche, et il s’est moqué de moi. Comme sans doute certains de vos lecteurs vont faire sous prétexte que je n’ai qu’à profiter de la situation si ça me tente, ou à faire semblant que je ne vois rien de son manège si je n’en ai pas envie. Cet ami a même ajouté « Mais voyons! Baises-la une fois pour toutes! C’est même une occasion en or de te l’attacher à jamais. Moi je n’hésiterais pas une seconde! »

Mais voyez-vous, je n’ai pas cette mentalité. Et même si je sais qu’avec la fille avec laquelle je suis présenteme­nt ce n’est peut-être pas parti pour la vie, je n’ai pas envie de lui faire ça. Comment selon vous, est-ce que je devrais gérer cette situation délicate sans me créer de problèmes? Anonyme

Je n’ai pas envie de me moquer de vous car je sais que ce genre de situation existe, même si on en parle moins que du harcèlemen­t sexuel vécu par les femmes. C’est certain qu’en fonction des forces physiques habituelle­ment en présence, une femme peut difficilem­ent forcer un homme à coucher avec elle s’il n’en a pas envie. Mais la pression et les conséquenc­es d’un refus peuvent être lourds de conséquenc­e pour celui qui refuse de telles avances.

À votre place, j’opterais pour une franche confrontat­ion dans un premier temps. Au prochain épisode de séduction, vous devriez clairement dire à cette personne que votre code de conduite vous interdit de mêler affaires et amour. Que de plus comme vous êtes en couple et pas du genre à sauter la clôture, il serait souhaitabl­e de mettre un terme à des tentatives, qui de toute manière seraient sans suite. Si l’effet souhaité ne se produit pas, il y aurait peut-être lieu d’aller jusqu’à lui suggérer de transférer le dossier à un de vos collègues.

Une recherche sur internet m’indique qu’étant donné l’augmentati­on des femmes dans les postes de pouvoir, les cas comme le vôtre se feront plus fréquents avec les années qui viennent. À titre d’exemple, un avocat américain affirme qu’au cours des 20 dernières années, les cas de harcèlemen­t au féminin ont doublé passant de 8 à 16%.

Je terminerai par le témoignage d’une connaissan­ce à qui la chose est arrivée et qui a réagi en emmenant sa conjointe à la réunion suivante sous prétexte que son expertise pouvait servir à faire avancer le dossier de la cliente. Et le harcèlemen­t a cessé.

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