Le choix déchirant d’une mère
Une mère a suivi son instinct et décidé de ne pas débrancher sa fille
Voir sa fille branchée à 28 tubes qui la maintiennent en vie artificiellement. Devoir décider si on la débranche ou si on s’accroche à la vie, à l’espoir. C’est le choix déchirant qu’a dû faire Carole Paiement.
«Nous venions à peine d’arriver à l’hôpital que les médecins nous ont dit qu’il fallait qu’on prenne une décision. Nous leur avons tenu tête», se souvient Carole Paiement, de Saint-Joseph-DuLac dans les Laurentides. Elle a lancé cette semaine Débrancher
Catherine?, un livre où elle raconte ce drame qui a frappé sa famille.
Sa fille Catherine Binette a été happée par un camion semi-remorque le 10 janvier 2013, à Winnipeg, alors qu’elle était âgée de 21 ans.
La jeune femme était agente de bord et avait accepté un remplacement de quatre jours à la dernière minute pour des vols aller-retour entre Montréal et Winnipeg.
«Elle avait subi un traumatisme crânien très grave. Elle était dans un coma profond et ne respirait par elle-même qu’à 3 %. Les médecins nous disaient que même si on la maintenait en vie, les séquelles seraient importantes, si un jour elle se réveillait», explique Mme Paiement, qui n’avait pas encore réalisé que sa vie venait de basculer.
Devant le corps inerte de leur fille unique, Mme Paiement, son mari, le père de Catherine et sa conjointe n’ont pas pu se résoudre à la laisser partir. «Tout était tellement by the
book à l’hôpital. On prenait la main de Catherine et si elle réagissait, on nous disait que c’était un spasme, qu’elle ne ressentait rien», se rappelle Mme Paiement, qui était au contraire convaincue que c’était un signe.
Lorsque les médecins leur ont demandé quelle était la dernière volonté de Catherine, ils ont été unanimes: «vivre».
ANGOISSE ET DÉTERMINATION
Aujourd’hui, Carole Paiement sait qu’elle a pris la meilleure décision de sa vie ce jour-là.
Malgré les pronostics, Catherine Binette est sortie du coma après 23 jours, mais rien n’était gagné.
Elle était plongée dans un état de léthargie, ne bougeait pas, ne réagissait pas et ne parlait pas.
«Il y a eu un moment où on s’est demandé si on avait bien fait, parce qu’on a réalisé qu’elle ne serait plus jamais comme avant et qu’elle nous en voudrait peut-être. Ça faisait des jours que tout ce qu’on avait l’impression de faire, c’était observer notre fille mourir», se souvient Mme Paiement.
En mars 2013, presque deux mois après l’accident, les progrès de Catherine Binette étaient tels que plusieurs spécialistes en étaient bouche bée, évoque Mme Paiement.
Tout de même, les séquelles étaient nombreuses. Sa fille était incapable de se nourrir, de se laver et de marcher toute seule.
«Pendant 14 mois, chaque jour, sauf la fin de semaine, elle voyait des spécialistes pour sa réadaptation», se remémore la mère.
MIRACLE
Mme Paiement est consciente que sa fille est une miraculée.
Au Québec, sur les 13 000 nouvelles victimes de traumatisme crânien chaque année, 3600 ne retrouvent jamais leur autonomie.
Catherine a oublié les deux mois précédant et suivant l’accident, mais une chose dont elle se souvient très bien, c’est le sentiment d’indépendance dont elle jouissait avant.
«Ce qui m’a fait le plus mal, c’était de réaliser que je dépendais de tout le monde. Mon objectif était de redevenir autonome. De pouvoir à nouveau habiter le condo que je m’étais acheté avant l’accident», confie la jeune femme.
Le deuil de son ancienne vie a été difficile, mais aujourd’hui, elle accepte «la nouvelle Catherine».
Depuis presque un an, elle est retournée vivre seule chez elle, a récupéré son auto et peut même cuisiner et faire ses courses.
«Je suis reconnaissante à ma famille d’avoir été là, d’avoir pris cette décision», dit la jeune femme.
Cette «nouvelle» Catherine est peut-être limitée, mais elle n’a pas perdu sa joie de vivre.
En juillet dernier, elle a sauté dans le vide en parachute avec sa famille.
«Catherine nous a mis au défi et c’est exactement ce qu’elle aurait fait avant son accident. C’est une fille qui n’a pas peur et ça m’a rappelé que j’ai pris la bonne décision», confie la mère.
Mme Paiement a décidé de raconter cette épreuve de leur vie dans le livre Débrancher Catherine?, qui est en librairie depuis lundi.