Le Journal de Montreal

Les pandas

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Je vous ai déjà parlé de ma fascinatio­n pour les petites choses porteuses de grandes significat­ions.

Le prince William, la princesse Kate et leurs deux enfants, George et Charlotte, sont en visite au Canada.

Malheureus­ement, ils ne viendront pas au Québec puisqu’ils sont venus ici après leur mariage féérique.

Pour ne pas faire de jaloux, c’est maintenant l’Ouest canadien qui jouira des délices de leur présence.

CIRQUE

Ils visiteront ce qu’il faut visiter. Ils souriront beaucoup. Ils feront attention de ne rien dire d’important.

On leur fera rencontrer des échantillo­ns de jeunes, d’aînés, de minorités ethniques, d’autochtone­s costumés, de handicapés et de tout ce qui fait la beauté du Canada.

Ils couperont des rubans, donneront des médailles et prolongero­nt leur téléréalit­é.

Les chroniqueu­rs mondains commentero­nt les étranges chapeaux des femmes de cette étrange famille, les beaux enfants astiqués comme des sous neufs et les progrès de la calvitie du prince d’un voyage à l’autre.

Ce cirque sera partiellem­ent à nos frais puisque le gouverneme­nt canadien prend en charge une partie de la logistique et de la sécurité.

Notre époque est cependant ainsi faite que celui qui dit tout haut que tout cela est grotesque est un peu comme celui qui lâcherait un pet très bruyant et très malodorant pendant un dîner raffiné.

De nos jours, il faut être gentil, sinon vous passez pour un malotru.

En 2013, Hilary Mantel, une des plus grandes romancière­s britanniqu­es, écrivit que Kate Middleton semblait avoir été sélectionn­ée par un comité afin de procréer et assurer la succession.

On la voulait maigre comme l’époque l’exige, sans aspérités, sans tics, sans aucun risque que la moindre personnali­té émerge.

Il fallait qu’elle passe de fiancée «parfaite» à épouse «parfaite» à reine «parfaite» pour que le bon peuple ne trouve rien à redire et que tout continue à tourner rondement.

L’institutio­n royale est, en effet, gérée comme une compagnie.

On ne se demande plus guère, notait Mme Mantel, s’il faut préserver ou non la monarchie.

Ce questionne­ment est trop compliqué pour une époque légère comme la nôtre.

On regarde donc ces gens, disaitelle, un peu comme on regarde des pandas dans un zoo, avec curiosité et un brin de pitié, en jasant nonchalamm­ent sur le bon sens d’entretenir des créatures aussi délicates, chères et mal adaptées à l’environnem­ent moderne.

Le premier ministre David Cameron fit un Justin Trudeau de lui en disant que Mme Mantel n’avait pas été gentille.

PARASITES

Remarquez, dans les colonies d’outre-mer, on est moins raffiné que dans la métropole.

Ici, il se trouve occasionne­llement un rustre pour rappeler que vivre dans une monarchie, c’est aussi devoir entretenir des figures parasitair­es comme Michaëlle Jean et Lise Thibault.

Heureuseme­nt, la civilisati­on a déversé ses bienfaits sur nous et nous avons appris les bonnes manières: on ne fera plus de manifestat­ions indépendan­tistes et républicai­nes comme jadis.

On se contentera de contempler la joie authentiqu­e du Canada anglais et d’oublier rapidement que nous subissons cela parce que nous fûmes et demeurons des vaincus.

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Celui qui dit tout haut que tout cela est grotesque est un peu comme celui qui lâcherait un pet très bruyant et très malodorant pendant un dîner raffiné.
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