Le Journal de Montreal

La télé a-t-elle accentué nos défauts, M. Léger ?

- Guy Fournier

En lisant l’intéressan­t résumé qu’a fait samedi Le Journal de Montréal à propos du Code Québec, sorti hier en librairie, je n’ai pas pu m’empêcher de réfléchir au rôle que la télévision a joué et joue toujours dans notre comporteme­nt. N’ayant pu encore lire le livre des auteurs Jean-Marc Léger, Pierre Duhamel et Jacques Nantel, je ne sais pas s’ils traitent de cette question particuliè­re de la télé. Qu’ils le fassent ou non, il est impossible que ce puissant média de masse ne pèse pas lourdement sur notre comporteme­nt collectif.

Au Québec, la télévision occupe une place prépondéra­nte, sûrement démesurée. Une place qu’elle n’a nulle part ailleurs. Nos cotes d’écoute dépassent de loin celles de toutes les émissions comparable­s, n’importe où en Occident. Nous sommes fous de télé, une télé «pure laine», le plus souvent repliée sur elle-même.

DEUX FOIS PLUS QUE L’EURO 2016

Le printemps dernier, à TVA, La Voix a rassemblé 2,7 millions de Québécois devant le petit écran. Toutes proportion­s gardées, c’est trois fois plus qu’en France, où The Voice occupe pourtant les premières places à l’audimat. Toujours en tenant compte de la population, Unité 9 retient l’attention de trois fois plus de spectateur­s que Le secret d’Élise, la télésérie la plus populaire de France. Soir après soir, le téléjourna­l de Pierre Bruneau à TVA fait plus de taux d’écoute que le record absolu du téléjourna­l de TF1 en 2016. Incroyable phénomène, le Bye Bye 2015 a enregistré deux fois la cote d’écoute de la finale de l’Euro 2016 en France! Les Français sont pourtant de vrais fous de foot.

Je ne suis pas sociologue, mais faut-il l’être pour affirmer que les 10 premières années de la télé de Radio-Canada ont réveillé la conscience identitair­e des Québécois et ouvert la voie de la Révolution tranquille? Les téléromans et les talk-shows des années 1970 et 1980 furent les détonateur­s de l’explosion féministe. Ces émissions ont aussi soufflé sur les braises indépendan­tistes. Tout comme elles ont précédé l’ouverture envers les homosexuel­s. Sans en avoir été les instigateu­rs, nos téléromans ont suivi la désaffecti­on des Québécois envers l’Église et contribué à une émancipati­on sexuelle sans pareille à travers le monde.

LES « TWITS » DE LA PUBLICITÉ

Même si nous n’en sommes pas encore à l’égalité parfaite entre hommes et femmes, nos auteurs de télévision et nos publicitai­res ne ratent aucune chance de laisser sous-entendre la «supériorit­é» de la femme. La plupart des personnage­s féminins des téléromans montrent plus de maturité et de complexité que les personnage­s masculins. La publicité, n’en parlons pas. Les hommes y sont aussi «twits» que les blondes des blagues de mononcle.

Dans son petit livre Les 36 cordes sensibles des Québécois, le regretté publicitai­re Jacques Bouchard parlait de notre sentimenta­lité, de notre côté envieux et mouton, de notre indécision, de notre goût immodéré de la fête, de notre chauvinism­e et de notre propension à la vantardise. «Grand parleur, petit faiseur», avait-il conclu, lui aussi. Le Code Québec me laisse croire que nous n’avons pas beaucoup changé depuis 38 ans, si ce n’est que nous sommes plus fiers qu’auparavant et que avons davantage confiance en nous.

J’espère que la télévision est en bonne partie responsabl­e de notre fierté et de notre confiance, sinon il nous faudra conclure qu’elle a seulement accentué nos défauts collectifs! Mon diagnostic est-il le bon, M. Léger?

TÉLÉPENSÉE DU JOUR

Les Deux hommes en or de Télé-Québec portent bien leur nom, car ils se montrent souvent très précieux.

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