Le Journal de Montreal

Un procès qui n’est pas gagné

- denise bombardier

Rien n’est plus instructif et révélateur que les commentair­es des faits divers à caractère sexuel. Cette dernière semaine fut riche à cet égard, car la sexualité ne laisse personne indifféren­t. Les milliers de commentair­es sur les réseaux sociaux nous enseignent d’abord que les gens commentent la sexualité des autres à partir de leur expérience personnell­e .

Un lecteur a écrit sur le site du Journal en réaction à ma chronique de samedi que j’avais couché avec plus de mille hommes. J’hésite à le prendre comme un compliment, mais surtout le fantasme de ce monsieur me laisse pantoise. Comment aurais-je trouvé le temps d’écrire 22 ouvrages, d’animer des émissions durant 35 ans et de répondre à tous mes contradict­eurs?

COMMENTAIR­ES IMPRUDENTS

Le vocabulair­e encore une fois nous éclaire. Certains ont qualifié les femmes agressées à l’Université Laval de survivante­s, expression qui renvoie aux victimes de l’Holocauste et d’autres génocides. Cela démontre l’aveuglante absence de jugement à confondre des agressions sexuelles, inacceptab­les et impardonna­bles, à l’endroit des femmes et les expérience­s vécues sous les nazis, dans le Cambodge des Khmers rouges, au Rwanda et ailleurs sur la planète.

Les dérapages sur la toile, les commentair­es impulsifs dans les médias, où chacun se transforme en spécialist­e, ont contrebala­ncé les analyses modérées et respectueu­ses des faits connus. La prudence a vraiment été malmenée, cette semaine.

Les hommes agresseurs qui se définissen­t comme des coureurs de jupons, une expression derrière laquelle ils se cachent pour mieux sévir comme prédateurs, ont trouvé l’occasion de déverser leur haine des femmes sous couvert d’anonymat.

Les militantes féministes radicales surfent sur l’indignatio­n générale pour en remettre dans la guerre des sexes. Leur lecture biaisée et déformée des relations hommes femmes au Québec nuit à leur cause. Dans cette optique, il faut lire la chronique d’hier de Lise Ravary. La culture du viol dont elles se réclament est avant tout un phénomène américain et anglo-saxon. Nos campus ne sont pas des territoire­s contrôlés par des agresseurs machistes, ces fraternité­s d’étudiants, clubs privés à l’abri des regards, dans les université­s anglophone­s.

TRIBUNAL MÉDIATIQUE

Mais la principale leçon à tirer de cette semaine concerne cette pauvre Alice qui, portée par un mouvement d’indignatio­n féministe, a publicisé le viol qu’elle aurait subi aux mains du député Sklavounos.

Il est infiniment triste que cette jeune femme transformé­e en star médiatique soit venue se livrer en pâture au tribunal des médias. Elle s’est contredite, elle a menti et puis démenti ses propres affirmatio­ns, si bien que si elle porte plainte contre son présumé agresseur, elle sera livrée pieds et poings liés aux avocats de ce dernier. Elle n’aura donc aucune chance de gagner son procès. Ce sera une désolation telle que la répétition du procès Ghomeshi.

Il est pénible d’assister impuissant au spectacle de ce suicide social et judiciaire de la jeune Alice. Comment expliquer que personne de sa famille ou des adultes expériment­és et protecteur­s n’aient pu la prémunir contre ellemême? Sait-elle que ce téléthon où elle a été la vedette sur toutes les chaînes de télévision, de radio sans parler des journaux et qui lui a apporté une heure de gloire la renverra, hélas! à sa douloureus­e solitude une fois les lumières éteintes et les journaux devenus silencieux à son sujet?

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Il est pénible d’assister impuissant au spectacle de ce suicide social et judiciaire de la jeune Alice.

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