Débrancher ? J’y pense
Je navigue sur internet depuis le début des années 1990, avant même l’existence des fureteurs. Cet outil d’échange et de communication m’a toujours fascinée parce qu’il réduit la planète à la taille d’une orange.
Ce n’est pas un adon si mon premier emploi sérieux, après Pop Rock, était téléphoniste outre-mer chez Bell, à l’époque des fiches à cordon. Je voyageais à chaque quart de travail. Je savais dire: «On vous appelle à frais virés, acceptez-vous les frais?» dans une dizaine de langues.
RÉSEAUX ASOCIAUX
Quand Twitter et Facebook se sont imposés, au milieu des années 2000, j’ai mis quelques années à m’y intéresser, inquiétée par leur nature intrusive. Mais quand je me suis retrouvée sans emploi après
Châtelaine, ma fille m’a dit: «Maman, recommence à écrire et va sur les réseaux sociaux.» Elle avait raison. Mais aujourd’hui, je fixe l’écran noir de mon ordinateur et je me demande s’il est temps de me débrancher des réseaux sociaux. C’est devenu un fantasme. J’ai beau avoir une carapace, je sens mon stress augmenter quand je me connecte.
Lorsqu’il est question de cyberintimidation, une amie m’a fait remarquer que les médias – Radio-Canada en tête – interrogent toujours des femmes de gauche. Comme si les filles de droite étaient épargnées. On a oublié que Sophie Durocher a été la première à poursuivre un troll, en l’occurrence Gab Roy, pour cyberintimidation, et elle a gagné. Elle a toute mon admiration. En termes d’insultes, c’est le tour du chapeau: je reçois des commentaires âgistes, sexistes et antisémites, ou un cocktail de tout cela. La semaine dernière, j’ai lu ceci: «Vous vous êtes convertie au judaïsme parce que trop vieille, trop laide et trop grosse pour trouver une queue québécoise.»
Mon mari, moitié vieille souche canadienne-française, moitié autochtone, ne l’a pas trouvée drôle. Une chance que l’adresse de ce crétin n’est pas connue.
Des trucs de ce genre, j’en récolte des dizaines par semaine. Parfois, par jour. Je bloque, mais, comme les coquerelles, les trolls ne sont pas tuables.
Parfois, l’expéditeur est plus raffiné. Ma préférée? «Malgré tout le dégoût que vous m’inspirez, ce matin vous avez raison.» Savoureux, n’est-ce pas?
PERSONNE À L’ABRI
J’ai beau avoir du tonus, il m’arrive de me sentir humiliée, rabaissée, attaquée dans mon intimité, dans mon identité. Menacée aussi. J’ai déjà appelé la police.
Mais ce n’est pas expressément pour cette raison que je rêve de débrancher. J’ai peur d’en venir à détester mes concitoyens.
Les agressions sexuelles ont été au coeur de l’actualité toute la semaine. Je ne peux pas croire le nombre de commentaires dégueulasses qui sont passés sur mon fil.
Des gars surtout, mais pas toujours, qui paradent avec fierté – c’est ça le pire – des opinions de l’ère précambrienne au sujet des femmes. Le Québec n’est quand même pas peuplé que de Marcel Aubut!
Une information manque dans l’excellent Code Québec de Jean-Marc Léger: les grossiers personnages sur internet représentent quel pourcentage de la société québécoise? Dix, 15, 25 ou même 50 % de la population? Cette information est capitale!
Quand on reçoit des bêtises et des méchancetés à longueur de journée, on finit par croire que tout le monde est bête et méchant.
Or, c’est faux, car je reçois aussi des tas de commentaires aussi gentils qu’appréciatifs. Merci!