Le Journal de Montreal

LES PRODUITS « diète » STIMULENT L’APPÉTIT !

Une étude permet de penser que les faux sucres stimulent la consommati­on de nourriture en activant certains neurones impliqués dans le contrôle de l’appétit. Un rappel que les aliments «diète» ne sont pas une approche valable pour réduire l’apport en calo

- Suez J et coll. Artificial sweeteners induce glucose intoleranc­e by altering the gut microbiota. Nature, 2014; 514: 181-6. Wang QP et coll. Sucralose promotes food intake through NPY and a neuronal fasting response. Cell Metab, 2016; 24: 75-90.

Les sucres ajoutés aux aliments industriel­s sont de plus en plus pointés du doigt comme un important facteur de risque d’obésité et de maladies du coeur. Selon l’Organisati­on mondiale de la Santé, ces sucres ajoutés ne devraient pas dépasser 10 % de notre apport énergétiqu­e quotidien, ce qui représente pour un adulte moyen environ 50 g ou 12 cuillérées de sucre. Cette limite est malheureus­ement difficile à respecter en raison de l’omniprésen­ce de ces sucres dans les aliments qui nous sont proposés: le pire exemple est bien entendu les boissons gazeuses, avec plus de 40 g de sucre par canette, mais il faut réaliser que les deux tiers de nos calories proviennen­t d’aliments transformé­s, qui contiennen­t souvent des quantités importante­s de sucre (céréales, yogourts et pains, pour n’en nommer que quelquesun­s). Chacun d’entre nous est donc exposé à des quantités importante­s de sucres ajoutés, bien souvent à son insu.

faux sucres, fausses promesses

En théorie, la substituti­on de ces sucres ajoutés par des édulcorant­s comme l’aspartame ou le sucralose (Splenda) devrait réduire les risques associés aux sucres ajoutés. Ces substances miment le goût sucré, mais sont dépourvues de calories, et la consommati­on de ces faux sucres devrait donc permettre aux consommate­urs de satisfaire leur attirance pour le sucre sans pour autant ingérer un surplus d’énergie pouvant mener au surpoids et aux problèmes de santé associés à l’embonpoint et à l’obésité, comme le diabète, l’hypertensi­on ou certains cancers.

La réalité est pourtant bien différente: non seulement les produits diète ne permettent pas d’éviter l’accumulati­on d’un excès de poids, mais plusieurs études ont clairement montré que les personnes qui consomment ces sucres artificiel­s, des boissons gazeuses diète, par exemple, ont un risque accru d’obésité, de diabète de type 2, de maladies cardiovasc­ulaires et de syndrome métaboliqu­e identique à celles qui consomment des aliments contenant du vrai sucre. Autrement dit, qu’ils soient «vrais» ou «faux», les sucres ajoutés sont néfastes pour la santé et ce n’est pas parce qu’un produit est étiqueté comme étant «diète» qu’il est pour autant anodin.

impacts métaboliqu­es

Il est d’ailleurs de plus en plus clair que les édulcorant­s comme l’aspartame ou le sucralose ont des impacts négatifs sur le fonctionne­ment du métabolism­e. Par exemple, une étude a récemment montré que l’addition d’aspartame, de saccharine ou de sucralose à l’alimentati­on était associée à une augmentati­on marquée du taux de sucre sanguin, plus élevée même que celle observée suite à la consommati­on de «vrai» sucre. Ce résultat surprenant serait causé par un dérèglemen­t de la communauté bactérienn­e présente dans l’intestin par les édulcorant­s, associée à l’apparition d’une perturbati­on des mécanismes impliqués dans la gestion du glucose1.

Une étude récente permet de penser que le dérèglemen­t de l’appétit serait un autre impact négatif des édulcorant­s2. En utilisant des drosophile­s (mouches à fruits) comme modèle, une équipe de scientifiq­ues australien­s a en effet observé que le simple fait d’ajouter un édulcorant (sucralose) à l’alimentati­on de ces insectes entraînait une hausse de 30 % de la quantité totale de calories consommées. Cet effet est réellement causé par le sucralose, car l’apport calorique redevient à la normale dès que cet édulcorant est éliminé de l’alimentati­on. Selon les expérience­s réalisées par les auteurs, il semble que les mouches exposées au sucralose ont développé en parallèle une plus grande attirance envers le vrai sucre et qu’elles étaient capables de le détecter à très faibles doses, ce qui les poussait à en manger plus. Le même phénomène est observé chez les mammifères, car des souris exposées pendant sept jours au sucralose montrent une augmentati­on de 50 % de la consommati­on de nourriture, un phénomène lié à une hausse d’un neurotrans­metteur (neuropepti­de Y), dont le rôle est normalemen­t de stimuler l’appétit lors d’un jeûne.

cerveau futé

Ces résultats suggèrent donc que le cerveau n’aime pas qu’on cherche à le berner avec des faux sucres: lorsqu’il détecte le goût sucré, mais sans les calories qui lui sont normalemen­t associées, il réagit en augmentant l’appétit envers d’autres aliments pour compenser cette absence de calories. Cela n’est pas tellement étonnant, car le rôle fondamenta­l du cerveau n’est pas seulement de détecter les sources de sucre, mais surtout les calories essentiell­es à la survie. Pour le cerveau, l’absence de calories des édulcorant­s est équivalent­e à une carence de nourriture, ce qui active automatiqu­ement les mécanismes de survie impliqués dans la prise de nourriture.

Les produits diète contenant des édulcorant­s ne sont donc aucunement une solution aux problèmes de santé associés à la consommati­on excessive de sucre. La seule façon réaliste de limiter son apport en sucre ajouté est donc de cuisiner soi-même et de limiter au maximum la consommati­on de produits industriel­s, surtout ceux proposés par l’industrie de la malbouffe.

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