Des profs tombent au combat
DÉPRESSION CHOC POST-TRAUMATIQUE ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL
Les enseignants de la commission scolaire des Laurentides prennent presque deux fois plus de jours de congé de maladie que la moyenne québécoise, un chiffre alarmant qui montre la détresse psychologique des professeurs, selon le syndicat.
«Le cri d’alarme, je l’entends. Les profs sont débordés, dévalorisés», s’indigne Krystine Lessard, présidente du syndicat des enseignants des Laurentides. La violence subie en classe serait selon elle une des raisons de cet essoufflement.
Selon les dernières données disponibles, les enseignants ont pris en moyenne cinq jours de congé de maladie en 2014-2015 dans l’ensemble du Québec, un chiffre calculé en fonction du nombre de professeurs (équivalent temps plein).
NEUF JOURS
Or, les enseignants de la commission scolaire des Laurentides, qui regroupe notamment des écoles de Mont-Tremblant et Sainte-Agathe-des-Monts, ont pris en moyenne neuf jours de maladie, soit quatre de plus que la moyenne provinciale. Ces congés ont coûté 1,4 million de dollars en assurance salaire à l’État. Aucune autre commission scolaire de la grande région de Montréal ne se démarque ainsi.
La commission scolaire ne peut pas expliquer pourquoi son taux est deux fois plus élevé qu’ailleurs. Elle indique que les raisons de ces congés sont «multiples», dont près de la moitié sont de nature psychologique. «On peut parler de problèmes personnels, de deuil, de problèmes familiaux ou de couple, etc. Seulement 9% des cas sont liés au travail», assure la porte-parole Stéphanie Fournelle-Maurice. Les autres cas sont de nature physique, précise-telle.
DE LA VIOLENCE
Mais la présidente du syndicat a une autre hypothèse pour expliquer le taux alarmant de congés de maladie dans cette commission scolaire. Elle dit voir de plus en plus de cas de dépression, d’épuisement professionnel et même de choc post-traumatique causés par le travail. Les enseignants sont selon elle confrontés à beaucoup de pauvreté (voir autre article) et de violence dans leurs écoles, tandis que les ressources pour y faire face manquent.
«Ecchymose au tibia et côtes déplacées», lit-elle dans son cartable dédié aux épisodes de violence vécus par ses membres, souvent dans des classes régulières. Des élèves qui frappent leur enseignant à coups de pied ou de poing, un autre qui a lancé des ciseaux, un autre qui a frappé la directrice au visage, énumère-t-elle.
Les cas de violence à l’école sont peu fréquents et ne sont pas en hausse au Québec depuis les dernières années, nuance Claire Beaumont, une des auteurs d’une étude sur le sujet. Il reste que c’est plutôt la gravité des épisodes qui est déterminante et qui peut, dans certains cas, mener à un choc post-traumatique, explique-t-elle.
D’autant plus que le fait d’être frappé par un jeune est parfois banalisé, les enfants n’étant pas considérés comme des agresseurs. «Parfois, ils ne sont pas crus par leur entourage. Ils se font dire: “Ben voyons!” Ça fait partie du travail. Mais non, on n’est pas formés pour ça», souligne Mme Lessard. – Avec la collaboration de Daphnée Dion-Viens,
Le Journal de Québec