L’Europe impraticable
« L’accord (avec l’Europe) n’est pas mort » affirme la ministre Chrystia Freeland
Il est possible que les Belges de Wallonie aient raison. Il se peut que le traité de libre-échange entre le Canada et l’Europe soit mauvais, en particulier parce qu’il favoriserait les multinationales au détriment des gouvernements.
Mais il reste que 3,6 millions de personnes viennent de bloquer un accord qui est approuvé par 506 millions d’Européens. Les représentants wallons finiront peut-être par s’entendre avec les autres et par signer l’accord. On ose à peine imaginer les négociations de libre-échange, infiniment plus complexes, entre l’Europe et les États-Unis, dans un contexte protectionniste de surcroît. Ce nouvel épisode illustre bien pourquoi beaucoup d’Européens ne croient plus en l’Union européenne.
1 Quel est le problème de fond ?
Le fond du problème est relativement simple. Les États européens estiment qu’ils seront plus forts s’ils sont unis et s’ils agissent ensemble, d’où le Parlement européen. Mais en même temps, les 28 États qui forment l’Union européenne ne veulent pas se départir de leurs pouvoirs souverains pour les donner au Parlement européen. Il en résulte une structure lourde, compliquée et paralysante, où les décisions importantes sont prises à l’unanimité. Comme dans le cas de la signature du traité de libreéchange entre l’Union européenne et le Canada.
2 Qu’en est-il de l’économie ?
Au pays des doux rêveurs de l’Union européenne, tous les pays sont égaux. Lors de la création de la monnaie unique, les dirigeants européens ont fait comme si les économies des pays européens se valaient les unes les autres, sans égard pour leurs particularités ni leurs forces relatives. La crise grecque est un exemple des résultats de cette pensée magique. De même, les taux de chômage très élevés en Europe montrent qu’il ne suffit pas de créer un marché commun entre les États pour que les problèmes économiques se résorbent comme par enchantement. Il faut une gouverne commune forte pour dompter le marché. Or, cette gouverne forte n’existe pas.
3 Une Europe commune émerge-t-elle ?
L’Union européenne sous-estime l’enracinement des cultures nationales. Des peuples qui ont plus de 2000 ans d’histoire n’acceptent pas facilement de s’amalgamer dans le grand tout européen. Surtout que cette «Europe culturellement commune» n’existe pas encore. À la vitesse où elle avance, l’Union européenne pourrait mener à la disparition plusieurs cultures nationales sans les remplacer par quelque chose de mieux. L’Union européenne, dont le premier objectif est d’empêcher les guerres, aurait alors fait plus de mal que toutes les guerres européennes réunies.
4 Quel est l’impact du reste du monde ?
L’Europe est très sollicitée par la Chine, les États-Unis et la Russie, essentiellement parce que ces trois puissances veulent profiter du marché européen et éventuellement, d’une alliance militaire avec l’Europe contre les deux autres. Mais là encore, les dirigeants de l’Union européenne semblent incapables de toute politique décisive ou concertée.
OTTAWA | Après avoir annoncé la semaine dernière l’échec des négociations du traité de libreéchange entre le Canada et l’Europe, la ministre Chrystia Freeland garde toujours espoir d’en arriver à une entente d’ici l’échéance de jeudi.
«(L’accord) n’est pas mort, nous travaillons très fort», a-t-elle réagi, à Ottawa hier. Elle a une fois de plus réitéré que la «balle est dans le camp des Européens».
«C’est à l’Europe de faire son travail», a-t-elle indiqué. «C’est un accord que nous avons rendu plus progressiste en y amenant des changements à notre arrivée au pouvoir. Nous sommes prêts à la signer», a-t-elle martelé.
La Belgique est le seul des 28 pays à s’y opposer, ne disposant pas de l’appui de la Wallonie, région francophone qui bloque la signature de l’accord entre le Canada et l’Europe.
« IL EST ENCORE TEMPS »
Le premier ministre Justin Trudeau, qui devait se rendre à Bruxelles jeudi pour signer l’accord, pourrait annuler son voyage. Il s’est entretenu hier avec le président du Conseil européen, Donald Tusk.
«Nous avons convenu que l’UE et ses membres doivent continuer de préparer le sommet de jeudi», a-t-il écrit sur son compte Twitter.
M. Tusk a aussi indiqué sur Twitter que M. Trudeau et lui croient encore possible la tenue du sommet jeudi. «Nous encourageons toutes les parties à trouver une solution. Il est encore temps», a-t-il soutenu.
La ministre Freeland a pour sa part refusé de dire si le Canada pourrait prolonger les négociations après la date du 27 octobre.
« LANCER LA SERVIETTE »
Aux Communes, les conservateurs ont accusé la ministre d’avoir «abandonné» la table des négociations la semaine dernière.
«Puisque la ministre du Commerce international semble avoir lancé la serviette, le premier ministre peut-il faire ses valises, rencontrer les dirigeants de la communauté européenne et signer cette entente historique, pour l’avenir de toutes les provinces du Canada?» a lancé le député conservateur Denis Lebel.
Mme Freeland a fait valoir que sa décision était «réfléchie et calculée».