Trop facile d’obtenir des sorties ?
Si les fugues dans les centres jeunesse sont aussi nombreuses, c’est parce qu’on octroie trop rapidement des sorties aux jeunes récidivistes, croit la mère d’une adolescente placée sous la tutelle de l’État.
«Ma fille de 15 ans a fugué cinq fois depuis qu’elle a été placée en centre il y a environ un an, a confié la Lavalloise, qui préfère demeurer anonyme pour protéger sa famille. Chaque fois, j’ai dit au personnel qu’elle planifiait une fugue, mais on me disait qu’il n’y avait pas d’alinéas dans la loi pour les inquiétudes des mamans.»
Érika (nom fictif) dit avoir même apporté des preuves pour appuyer ses soupçons: des listes de tarifs ou des conversations avec des proxénètes.
Même des éducateurs et des travailleurs sociaux auraient conseillé à Érika de tout faire pour éviter que son adolescente obtienne à nouveau des sorties. Or, puisque la petite se comportait bien une fois à l’établissement, on finissait toujours par lui en accorder quand même, avec l’autorisation des parents.
«Ma fille n’est pas conne, a dit Érika. Elle sait exactement quoi faire pour faire croire au personnel qu’elle va bien et qu’elle n’a plus envie de fuguer. Après, eux me convainquaient, alors je signais.»
Le centre jeunesse de Laval a indiqué que les plans de sorties étaient fréquemment révisés et qu’on tenait compte des soupçons de toutes les personnes impliquées dans l’entourage d’un jeune.
REVOIR LA LOI
Les fugueuses qui vont joindre des gangs de rue sont traitées à leur retour comme si elles avaient un problème de comportement, a expliqué la criminologue Maria Mourani.
«Ces petites filles-là ont été violées et on les traite comme si elles avaient lâché l’école», a-t-elle expliqué.
Pour Sarah Canta, une avocate en droit de la famille et ancienne procureure dans les centres jeunesse, la problématique dénoncée par Érika s’explique par le fait que la définition même de la loi est la réintégration.
«Dès qu’un parent démontre de l’intérêt pour garder son enfant à la maison, on le décharge», a expliqué l’experte.
Or, il faudrait revoir certains éléments de la loi afin de l’adapter à la réalité d’aujourd’hui et au problème de prostitution juvénile dans les centres jeunesse, croit Pina Arcamone, directrice générale d’Enfant-Retour Québec. «Il faudrait que l’opinion des gens qui les connaissent ait plus de poids dans la balance avant de leur accorder une sortie», explique-t-elle.