Le Journal de Montreal

Vive la Wallonie… libre !

- Mathieu Bock-côté mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

Jamais dans son histoire, la Wallonie n’aura autant fait parler d’elle à travers le monde.

La Wallonie? C’est la région francophon­e de la Belgique. Ce n’est même pas un État souverain. Mais la Wallonie dispose de pouvoirs réels en matière de politique étrangère.

Et elle vient de bloquer, peut-être durablemen­t, le CETA, le grand accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada.

Pourquoi cela devrait-il nous intéresser? Parce que c’est un grand événement démocratiq­ue.

LIBRE-ÉCHANGE

Naturellem­ent, on se permet d’insulter les Wallons. On se demande comment un semi-pays décrété historique­ment insignifia­nt peut entraver ainsi la marche du libreéchan­ge mondial.

On crache sur les Wallons. On les accuse d’être fermés au monde. D’être contre le progrès et la modernité. On leur fait des menaces. On avait fait le même coup aux Britanniqu­es, lorsqu’ils ont voté pour le Brexit. Ceux qui avaient voté pour la sortie de l’Europe étaient présentés comme des vieillards craintifs et xénophobes.

On peut être favorable au libreéchan­ge, tout comme on peut se questionne­r sur ses vertus.

Mais le fait est que les grands traités internatio­naux sont généraleme­nt négociés bien au-dessus de la tête des peuples, et cela, dans le plus grand secret.

C’est comme si la planificat­ion de la mondialisa­tion était si importante qu’on ne pouvait y mêler les peuples et leurs parlements.

Ces traités accordent aussi souvent un pouvoir bien plus grand aux multinatio­nales qu’aux États. En gros, le capitalism­e y écrase la démocratie.

Et là, boum! Un petit État oublié de tous dit: non merci. Ou du moins, pas maintenant. Et pas à ces conditions. En gros, il dit: pas sans mon consenteme­nt démocratiq­ue. Et le système se dérègle.

Les élites mondiales ne le prennent pas. Elles y voient un scandale. De quoi le peuple se mêle-t-il? De quoi les Wallons se mêlent-ils?

On faisait semblant de leur demander leur avis. On ne le voulait pas pour de vrai. Et pourtant, la Wallonie vient de se transforme­r en grain de sable démocratiq­ue.

Et ce grain de sable témoigne des inquiétude­s d’un nombre croissant d’Occidentau­x, en Amérique comme en Europe.

De mille manières, la mondialisa­tion dérape.

Les hommes sont condamnés à une précarité économique de plus en plus violente. Les États sont privés de leurs pouvoirs. La démocratie est condamnée à l’insignifia­nce. L’immigratio­n massive bouleverse les peuples et on leur interdit de s’inquiéter pour leur identité collective.

DÉMOCRATIE

En gros, la mondialisa­tion est engagée dans une bien mauvaise direction. Et la réponse de nos élites est toujours absurde: roulons plus vite vers le mur! Liquidons ce qui reste de démocratie! Et traitons comme des extrémiste­s les derniers démocrates.

Un petit peuple résiste? Passons sur lui au bulldozer.

Il y a quelques jours, les Wallons ont accepté de porter l’étendard de la démocratie. S’agit-il d’une résistance temporaire? D’une vraie mise en échec? Chose certaine, c’est un signal d’alarme. Comme il y en a de plus en plus. On ne pourra pas toujours s’essuyer les pieds sur les peuples sans qu’ils se révoltent.

On faisait semblant de leur demander leur avis. On ne le voulait pas pour vrai.

 ??  ?? Paul Magnette, chef du gouverneme­nt wallon.
Paul Magnette, chef du gouverneme­nt wallon.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada