Les amis de la dette
La dette du Québec est-elle si peu importante qu’on puisse se moquer de ceux qui s’en inquiètent? La dette, à 280 milliards, est une farce?
À 100 milliards, on y jetait un oeil agacé. À 200 milliards, on la trouvait encombrante.
Mais à près de 300 milliards, vaut-elle seulement une risée?
C’est la question qui m’est venue à l’esprit en lisant une lettre de l’intermittent militant Jean-Martin Aussant publiée la semaine dernière dans un journal dématérialisé, ce qui explique peutêtre le silence qui a suivi…
Le compteur de l’Institut économique de Montréal venait d’atteindre 280 milliards. Estimant devoir dire quelque chose, M. Aussant a lancé un appel au calme.
Comme la plupart des choristes de la gauche, il ne veut pas que l’on s’inquiète ou qu’on se mette à revoir nos façons de faire…
L’important, a-t-il soutenu, ce n’est pas le total emprunté, mais tout ce qu’on doit en soustraire…
DETTE NETTE
Avec la vente d’écoles, de routes ou de sociétés d’État, la dette fondrait de moitié. Il ne resterait que les déficits accumulés, c’est-à-dire le fric dépensé au-delà des revenus. C’est le résultat de 34 orgies budgétaires depuis Duplessis…
La gauche préfère se référer à cette dette «nette». Elle est moins élevée, cela va de soi. Il faudrait donc la considérer comme la seule qui compte. C’est ce que veulent les syndicats et les marxistes amateurs.
Sauf qu’on ne paie pas les intérêts sur la dette nette. Voilà pourquoi la dette totale est plus importante. Parce que c’est celle que l’on doit rembourser.
À ce propos, une idée fait tranquillement son chemin chez les soviets locaux: la dette, quand elle sera trop élevée, eh bien, on n’aura qu’à ne pas la rembourser!
C’est implicitement suggéré dans un petit bouquin intitulé La dette du Québec: vérités et mensonges. Ce n’est pas un livre de vacances, mais la minceur de son argumentaire est divertissante.
Il incite à croire que nous ne sommes pas responsables de ce fardeau. La dette serait surtout un «instrument de soumission» des peuples. Le Mali, l’Équateur, le Québec, etc., tous au calvaire des emprunts…
DÉFAUT DE PAIEMENT
C’est sans doute l’humour caustique de l’ouvrage qui a poussé Le Devoir à en traiter avantageusement dans ses pages littéraires.
Remarquez qu’un chroniqueur abonné au Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics peut difficilement s’insurger contre l’endettement collectif.
Les auteurs de Vérités et mensonges emploient donc le raccourci «citoyen» habituel afin de nous réconcilier avec le passif monstrueux à léguer aux générations futures.
Cette posture est d’autant plus commode que nous n’avons pas à craindre un «défaut de paiement». Grand bien nous fasse! Car, bien plus que les banques, cette catastrophe frapperait les petits épargnants et les régimes de retraite publics.
Au reste, la dette est une bonne chose: c’est l’ultime prétexte à une taxation plus vorace.