Le Journal de Montreal

DES FAVEURS AU GRAND ARGENTIER LIBÉRAL

Révélation­s de Lino Zambito sur Marc Bibeau

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Dans votre livre, vous êtes très critique envers le travail de l’UPAC. Pourquoi? Je peux vous garantir que les enquêteurs sur le terrain font un travail colossal. Mais une fois que les éléments d’enquête sont ramassés, l’étape suivante, c’est la haute direction de l’UPAC. Il y a quelque chose qui bloque. Combien d’arrestatio­ns y a-t-il eu dans la dernière année et demie, à part la gang à Normandeau? Pas beaucoup. (…) De source sûre, je sais qu’il y a un lien entre (Robert) Lafrenière et le chef de cabinet de (Philippe) Couillard. Ces gars-là se parlent régulièrem­ent, chose qui est totalement inacceptab­le. Insinuez-vous qu’il y a des interventi­ons politiques dans le travail de la police? Je suis convaincu que les enquêtes se font indépendam­ment, mais quand vient le temps d’accuser, je suis sûr à 100 % qu’il y a des «calls» politiques qui se font: où aller et où ne pas aller. Votre livre contient des allégation­s reliées à l’ex-argentier du PLQ Marc Bibeau, qui aurait selon vous utilisé son statut privilégié auprès du cabinet Charest afin de renouveler un bail dans un de ses immeubles. N’avez-vous pas peur que Bibeau vous poursuive? S’il me poursuit, un jour, on aura la chance de le mettre dans la boîte (des témoins) et de l’interroger. Ça va être sa parole contre ma parole. Quelqu’un qui a collaboré à la commission Charbonnea­u, et dont 93 % des dires ont été corroborés, contre quelqu’un qui se cache et qui ne veut jamais parler aux médias ou à personne, et qui répond par des mises en demeure. Détenez-vous encore des secrets, ou avez vous tout dit publiqueme­nt? Je pourrais faire un autre ou deux autres livres (sourire en coin). Mais il y a des enquêtes qui sont en cours, et j’ai espoir que ces enquêtes-là débouchent. Ceux-là (les cas dans le livre), j’en parle, parce que j’ai l’impression que ces enquêtes-là ont été tablettées, et qu’il n’y a pas la volonté de les faire déboucher. Sur quoi portent ces informatio­ns que vous gardez encore secrètes? Du politique. Beaucoup de politicien­s. À l’interne, à la SQ. La façon d’agir de certains policiers à l’interne. Un jour, si ça aboutit, ou si ça n’aboutit pas, on donnera l’informatio­n aussi. Pourquoi devrait-on vous croire? Après tout, vous avez vous-même reconnu avoir commis des crimes. Tout ce que j’affirme est déposé à l’UPAC. C’est des déclaratio­ns assermenté­es devant notaire. Quel intérêt j’aurais à mentir? Si je mens, je suis dans la merde. Pis, je sors de cinq années de problèmes et de poursuites. Je n’ai aucun intérêt (à mentir). Vous êtes un des sonneurs d’alarme les plus connus au Québec. Que pensez-vous des récentes histoires d’espionnage des journalist­es par la police? Je pense que c’est totalement inacceptab­le. (…) Si on a eu une commission d’enquête, c’est grâce au travail acharné des journalist­es d’enquête. Et ces gens-là, sans sources, ils n’auraient pas la moitié de l’informatio­n qu’ils ont eue. C’est inconcevab­le que la police s’immisce, suive les journalist­es ou les mette sous écoute. Je pense qu’on a crevé l’abcès, mais je suis convaincu que c’est une pratique qui se fait depuis longtemps. Vous purgez depuis un an une sentence de prison à domicile. Comment vivez-vous ça? Ce n’est pas évident. Tu es habitué d’avoir une liberté, et à un moment donné, tu es restreint, il faut que tu donnes tous tes déplacemen­ts (à la police). Mais en bout de ligne, c’est correct. J’aurais pu être en dedans, derrière les barreaux. Je n’ai pas à me lamenter, j’assume totalement. Avez-vous de projets maintenant que votre sentence de prison à domicile est terminée? On est en train de monter des conférence­s avec une équipe. Moi, je veux que la population soit sensibilis­ée. Au Québec, on chiale beaucoup, mais à un moment donné, on reste passif. (…) En 2009, les bandits c’était les entreprene­urs. Aujourd’hui, on approche du politique, du provincial. Mais il faut dénoncer. Quand on viendra à bout des responsabl­es, on passera à autre chose.

« JE SUIS CONVAINCU QUE LES ENQUÊTES (DE L’UPAC) SE FONT INDÉPENDAM­MENT, MAIS QUAND VIENT LE TEMPS D’ACCUSER, JE SUIS SÛR À 100 % QU’IL Y A DES «CALLS» POLITIQUES QUI SE FONT. » – Lino Zambito

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Marc Bibeau
 ??  ?? Le témoin, biographie de Lino Zambito, en librairie dès maintenant. Lino Zambito, l’un des témoins-clés de la commission Charbonnea­u, a passé la dernière année en détention à domicile, lui qui a plaidé coupable dans une affaire d’octroi de contrats...
Le témoin, biographie de Lino Zambito, en librairie dès maintenant. Lino Zambito, l’un des témoins-clés de la commission Charbonnea­u, a passé la dernière année en détention à domicile, lui qui a plaidé coupable dans une affaire d’octroi de contrats...

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