LTéivtriaethan sur Pennsylvania Avenue
You feel he’s going to win next Tuesday? Yes, I do. And I think he’s going to win big!
C’est la réponse que m’avait servie Rudy Lavine, 67 ans, un gros bonhomme tranquillement assis dans sa chaise de camping, attendant que s’ouvrent les portes d’un rassemblement politique que Donald Trump allait tenir au coeur de la Caroline du Nord. Huit heures qu’il avait ainsi patienté pour voir son homme.
Sur l’enregistrement, on peut entendre un vague scepticisme dans ma façon de répéter après lui: «You think,
he’s going to win big…» Pas plus que tant d’autres je n’avais envisagé la victoire du candidat républicain, même si la conviction et l’emballement des milliers de partisans que j’avais croisés et des dizaines que j’avais interviewés auraient dû me mettre sur une piste.
Ça ne m’apparaissait tout simplement pas réaliste. Un candidat avec autant de défauts, une campagne menée en cabochon et des propos si repoussants pour tellement d’électeurs: inconcevable que cela puisse mener à la Maison-Blanche.
LEÇon D’un « FIGHTER »
Rudy Lavine, encore lui, m’avait aussi confié: «J’ai vu des politiciens toute ma vie et je n’en ai jamais vu un lutter aussi dur que Donald Trump. La plupart des politiciens quand ils sont critiqués pour ci ou pour ça s’excusent, démissionnent. Lui continue de se battre.» La classe moyenne, les cols bleus en ont assez de manger des volées. Ils ont trouvé leur «fighter».
Donald Trump pourrait reprendre à son compte – et avec encore plus de légitimité – les propos de George W. Bush au lendemain de sa victoire sur John Kerry à l’élection présidentielle de 2004: «J’ai gagné du capital dans cette campagne, du capital politique, et j’ai l’intention de le dépenser.»
Son succès, Donald Trump ne le doit à personne d’autre que lui-même et surtout pas aux leaders républicains au Congrès qui, pour l’immense majorité, l’ont fui comme la peste au cours des derniers mois. En fait, ils doivent à sa victoire le fait qu’ils aient conservé leur majorité non seulement à la Chambre des représentants, mais au Sénat qui avait pratiquement été abandonné aux démocrates.
DEs aLLuREs D’EMPEREuR
Trump se retrouve, du coup, grâce au contrôle républicain des deux chambres du Congrès, dans une exceptionnelle position de force pour imposer ses priorités. Réviser l’accord nucléaire avec l’Iran, mettre fin aux programmes d’aide à la lutte aux changements climatiques, abroger l’Obamacare, l’assurance-santé du président sortant: littéralement, tout lui est permis.
Mieux encore, George W. Bush, puis Barack Obama ont étendu à tel point l’utilisation et la portée des décrets présidentiels (qui permettent au président de contourner les élus) que Donald Trump dispose désormais d’outils qui, couplés au contrôle du Congrès par son parti, en feront un des présidents les plus puissants des dernières décennies.
Étonnamment, ce n’est pas le plus inquiétant. Ici et là, au cours de la dernière année et demie, les médias ont rapporté de plus en plus d’incidents xénophobes et racistes. Des citoyens – des Noirs, des Juifs, des musulmans – se sont fait balancer des insultes par des inconnus qui se seraient gardé, il n’y a pourtant pas si longtemps, une petite gêne.
Avec un candidat qui s’est cru tout permis, la retenue publique a commencé à se dissiper. Ma peur: s’il a maintenant tous les droits, eux aussi, vont-ils se dire.
Son succès, Donald Trump ne le doit à personne d’autre que lui-même