Le Journal de Montreal

L’agonie de la classe politique américaine

- Pierre Martin l @PMartin_UdeM

Parmi les grands perdants de l’élection américaine, il y a eu la classe politique et d’autres piliers essentiels à la démocratie. Ça n’augure rien de bon.

Bien sûr, l’élection a fait des gagnants, dont Donald Trump et son entourage, la soi-disant altright qui a inspiré sa campagne et les riches qui verront leurs impôts dramatique­ment réduits.

Les laissés-pour-compte qui ont misé sur Trump sont-ils de ce groupe? Ils n’avaient pas grandchose à perdre, mais ça reste à voir s’ils gagneront quoi que ce soit.

Les personnes qui ont le plus perdu sont faciles à identifier, à commencer par Hillary Clinton, Barack Obama et l’establishm­ent démocrate, en plus des républicai­ns qui ont osé s’opposer à Trump. Parmi les nombreux autres perdants de cette élection, il y a la classe politique américaine.

Donald Trump a réussi à discrédite­r l’idée même du service de l’État, lui qui a participé à ce genre de combines pendant des décennies.

LE SERVICE PUBLIC DÉVALORISÉ

Pour la première fois de leur histoire, les Américains ont élu au poste le plus puissant du monde quelqu’un qui n’a jamais été élu nulle part et n’a aucun antécédent de service public.

C’est une gifle monumental­e à une classe politique systématiq­uement dénigrée par un discours de droite qui délégitime l’État et le service public depuis que Ronald Reagan l’a convaincue que le gouverneme­nt est la source de tous les maux.

L’ARGENT ET LA PORTE TOURNANTE

Hillary Clinton n’a pas aidé. Son expérience de service public est admirable, mais le fait qu’elle s’en soit servie pour s’enrichir – ce qui est pratique courante – a contribué à alimenter le cynisme envers la classe politique.

En pointant du doigt, non sans raison, les politicien­s et employés publics qui colportent leur influence ou font virer la porte tournante entre les secteurs public et privé, Donald Trump a réussi à discrédite­r l’idée même du service de l’État, lui qui a participé à ce genre de combines pendant des décennies.

Pour Trump et pour ceux qui boivent ses paroles, tous les problèmes s’expliquent par le fait que les serviteurs de l’État (sauf les militaires et policiers, évidemment) sont soit stupides, soit corrompus. Qui de mieux qu’un homme d’affaires qu’on a vu pendant 14 ans congédier des apprentis dans une téléréalit­é pour faire le grand ménage?

LES « EXPERTS » ET LES MÉDIAS AUSSI

Une classe politique saine s’accompagne de médias d’informatio­n soucieux de l’intérêt public et d’une valorisati­on de l’expertise et des connaissan­ces sans lesquelles une démocratie s’expose à une dérive autoritair­e.

Or, la campagne-spectacle de Trump a détourné les médias avides de cotes d’écoute de leur rôle de gardiens de la délibérati­on publique. L’abandon du rôle critique des médias et le mépris pour les experts entretenu par Trump ont ouvert la porte à des débats politiques dominés par des fabulation­s de toutes sortes où les faits ne comptaient plus.

En amenant une partie de l’électorat à rejeter en bloc la classe politique et les élites qui contribuen­t à une saine délibérati­on publique, Donald Trump a potentiell­ement rangé la démocratie elle-même parmi les perdants.

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