josée legault josee.legault@quebecormedia.com Les invincibles
Devant les scandales hérités de l’ère Charest, il reste de glace. Les impacts négatifs de son austérité et des réformes Barrette en santé l’interpellent peu. Quoi qu’il arrive, Philippe Couillard garde ses états d’âme pour lui.
Irrévocablement imperturbable, le premier ministre ne dévie pas de son plan de match. Seule exception: la question «identitaire». Dès que les partis d’opposition débattent d’immigration ou de laïcité, il en devient presque émotif.
Avec l’arrivée d’un nouveau chef au Parti québécois, certains s’imaginaient un Philippe Couillard déstabilisé. Or, la joute oratoire avec Jean-François Lisée semble plutôt le détendre. Que son adversaire n’ait pas encore réussi à faire monter les appuis au PQ n’y est sûrement pas étranger.
Quant à François Legault, M.Couillard s’amuse régulièrement à lui piquer de nouvelles recrues. La division tenace du vote francophone depuis la création de la CAQ contribue encore plus à la zénitude du chef libéral.
L’ÉTEIGNOIR
Même le «coulage» d’un rapport interne dévastateur sur son propre parti le laisse stoïque. Signé par le président sortant de la Commission politique du Parti libéral du Québec (PLQ), on y décrit un parti réduit à une «marque de commerce» depuis l’ère Charest.
«Éteignoir à l’engagement citoyen», le rapport le dit aussi trop centralisé, obsédé par son financement et reposant sur une base militante en chute libre. Malgré ce diagnostic qui sent la fin de régime, à deux ans de la prochaine élection, les libéraux sont sûrs d’eux-mêmes.
La division du vote francophone leur profitant, on les sent se sentir euxmêmes presque invincibles. Au pouvoir depuis 2003 – hormis pour le bref gouvernement Marois –, le PLQ trône en toute sérénité. Scandales ou squelettes dans le placard de tel ou tel ministre ne sont plus que des «distractions» à gérer le temps qu’elles passent.
ENTRE DEUX LIVRES
Réunis demain en conseil général,
les libéraux se paieront même le luxe d’ignorer le livre encore tout chaud de l’ex-entrepreneur en construction Lino Zambito – Le témoin.
La contribution du témoin-vedette à la commission Charbonneau fut pourtant déterminante. Sa radiographie minutieuse des nombreux stratagèmes de corruption, collusion et financement politique illégal marqua l’histoire.
En entrevue pour la sortie de son livre, M. Zambito pointe le Parti libéral directement. Alléguant une trop grande complaisance de l’UPAC face au gouvernement, il dénonce aussi l’impunité étonnante d’un Jean Charest ou d’un Marc Bibeau, l’influent ex-argentier libéral.
Bref, au conseil général, Le témoin ne risque pas d’être le livre de chevet du premier ministre. En lieu et place, les libéraux en profiteront pour lancer une réédition du livre de l’ex-chef libéral Claude Ryan – Les valeurs libérales et le Québec moderne.
Publié en 2002, l’année précédant le retour du PLQ au pouvoir – et préfacé à l’époque par Jean Charest –, ce court essai énonçait sept «valeurs», dont l’«identification au Québec» et la «justice sociale».
De bien nobles principes, mais dont le sens s’est beaucoup effrité depuis. Comme quoi, en politique, un trop grand sentiment d’invincibilité n’est jamais bon conseiller…