Le Journal de Montreal

Lettre à mes enfants

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Vous avez 18 et 15 ans.

Je pense beaucoup à vous depuis l’élection de Donald Trump.

Je pense à tout ce que j’ai essayé de vous transmettr­e depuis votre enfance.

Élever un enfant, est-ce que ce n’est pas, au fond, faire un pari sur une poignée de valeurs fondamenta­les?

DÉCENCE

De mon mieux, en faisant un tas d’erreurs, j’ai essayé de vous expliquer qu’il est normal d’être parfois frustré et fâché, mais qu’il faut se raisonner et réfléchir aux conséquenc­es de nos actes.

De mon mieux, j’ai essayé de vous expliquer qu’il est correct de chialer, mais que c’est mieux d’essayer de solutionne­r avec réalisme et doigté.

De mon mieux, j’ai essayé de vous expliquer qu’on n’attaque pas férocement, qu’on n’intimide pas quelqu’un simplement parce qu’il vous contredit.

De mon mieux, j’ai essayé de vous expliquer qu’il ne faut pas insulter, car les mots peuvent blesser beaucoup plus qu’on ne le pense.

De mon mieux, j’ai essayé de vous expliquer qu’on doit dire la vérité et que, si on ne peut pas dire toute la vérité, au moins il ne faut pas mentir sciemment.

De mon mieux, j’ai essayé de vous expliquer, surtout à toi, mon fils, qu’il faut traiter les femmes comme on aimerait que notre mère ou notre blonde soit traitée.

De mon mieux, j’ai essayé de vous expliquer qu’on ne rit pas des handicapés, qu’on juge une personne à son caractère et à ses actions, et non à sa couleur de peau, à ses origines ou à la consonance de son nom de famille.

De mon mieux, j’ai essayé de vous expliquer qu’il faut payer ses impôts, même en bougonnant, parce que c’est notre contributi­on à la constructi­on d’une société moins dure pour ceux qui n’ont pas nos avantages.

De mon mieux, j’ai essayé de vous expliquer que les médias sociaux sont là pour rester, mais qu’il faut alimenter son esprit avec les meilleures nourriture­s disponible­s, pas avec de la téléréalit­é ou en s’abaissant au niveau de trolls minables.

Et combien de fois n’avez-vous pas levé les yeux au ciel quand, à l’heure du souper, j’improvise une tirade sur la noblesse occasionne­lle de l’engagement politique et de l’Amérique, en faisant un petit cours d’histoire sur Lincoln ou Roosevelt?

BALAYÉES

Tout d’un coup arrive un homme qui est la négation absolue, spectacula­ire et assumée de tout cela, et il est élu président des États-Unis.

Il y a, je le sais, toutes sortes de circonstan­ces dont il faut tenir compte: son rival a obtenu plus de votes, son rival avait des failles immenses, etc.

C’est quand même le résultat final qui compte.

Alors, je me demande tout simplement: ces valeurs fondamenta­les pour moi reposent sur quoi en définitive?

Ces valeurs sont-elles si fragiles qu’il suffit de peu de choses, au fond, pour qu’émerge leur contraire absolu? La décence est-elle un si mince vernis?

Je retourne tout cela dans ma tête. Rassurez-moi, s’il vous plaît.

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Ces valeurs sont-elles si fragiles qu’il suffit de peu de choses, au fond, pour qu’émerge leur contraire absolu ?
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