Le Journal de Montreal

La réforme est un « désastre » pour les soins à domicile

- Héloïse Archambaul­t HArchambau­ltJDM heloise.archambaul­t @quebecorme­dia.com

La réforme Barrette en santé est un «désastre» pour les soins à domicile depuis un an, dénonce un aidant naturel de 78 ans qui est convaincu que le roulement de personnel fait régresser sa femme atteinte de la maladie d’Alzheimer.

«Avant la fusion, ça marchait à merveille, jure Roger Leclerc. Là, c’est l’enfer!»

«Le CISSS, c’est un désastre! Il n’y a plus aucune stabilité. On est devenu des numéros», ajoute le septuagéna­ire qui en a gros sur le coeur.

Voilà sept ans que sa femme Noella Tremblay, 75ans, a reçu le terrible diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Pour M. Leclerc, il a toujours été hors de question de placer «l’amour» de sa vie dans une résidence. Le couple est marié depuis 55 ans.

«Je ne fais pas ça pour la gloire, je le fais pour ma femme. C’est ma femme! lance l’homme, qui a du mal à retenir ses larmes. Le CHSLD, c’est ici. Je m’en occupe.»

Couchée dans le salon, sa femme se repose paisibleme­nt et lui lance quelques sourires complices.

Depuis trois ans, le couple qui demeure à Chertsey, dans les Laurentide­s, reçoit l’aide du CLSC. Deux visites par jour, pour la toilette matinale et la routine du soir. Or, depuis la fusion dans le réseau, tout a basculé, selon M. Leclerc.

Rappelons qu’en avril 2015, la réforme du ministre de la Santé Gaétan Barrette a fusionné les 182 établissem­ents en 34 Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS).

«Avant, c’était toujours Martine* qui venait. Mais depuis la réforme, ce ne sont jamais les mêmes filles», dit-il.

«La maladie d’Alzheimer, ça prend de la stabilité!» souligne-t-il.

BEAUCOUP DE VISAGES

L’été dernier, M. Leclerc a calculé que 14employée­s différente­s sont venues dans la même semaine. Depuis un an, il estime entre 40 et 50 visages différents qui ont pris soin de sa femme.

«Ce n’est pas contre le service que j’en ai, c’est contre le manque de stabilité. Ma femme panique et crie au meurtre: «Roger au secours!» La fin de semaine, on ne sait jamais qui viendra.»

«Je suis chez nous et je me sens agressé. Je ne veux pas laisser entrer n’importe qui dans ma maison», ajoute-t-il, précisant qu’il a souvent fait part de son insatisfac­tion au CLSC.

«C’est une bataille depuis un an. Ils font des changement­s, ça dure une semaine et le roulement recommence.»

Par-dessus tout, M. Leclerc dénonce que cette instabilit­é fait régresser sa femme.

«La douche était un drame. Ils ont arrêté et ils font des bains au lit», dit-il.

Pour leur sécurité, les employés utilisent maintenant le lève-personne pour déplacer Mme Tremblay, qui pèse 150 lb.

«Son état s’est détérioré de 50% depuis qu’ils ne veulent plus qu’elle marche», dit son mari.

QUESTION DE PRINCIPE

Et même s’il a les moyens de payer au privé, M. Leclerc dénonce son histoire par principe.

«Est-ce que je peux avoir de l’aide de mon CLSC? C’est une question de principe, que tu sois millionnai­re ou pauvre.»

Après les appels du Journal à la direction du CLSC, M. Leclerc a noté une meilleure stabilité auprès de sa femme, surtout la semaine.

«Il a fallu que j’appelle Le Journal pour que ça bouge. Mais, je dénonce pour tous les aînés qui n’ont pas les moyens de se défendre».

Une chose est sûre, M. Leclerc s’occupera de sa Noella jusqu’à la fin. «Ma femme, elle va mourir ici», jure-t-il.

*Le nom a été changé pour assurer la confidenti­alité.

« C’EST MAL ADMINISTRÉ. [...] ÇA N’A PLUS DE SENS. NOUS AUTRES, ON NE COMPTE PLUS. AUSSI BIEN NOUS DONNER UNE PILULE À 75 ANS, ILS VONT ÊTRE DÉBARRASSÉ­S. » – Roger Leclerc

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Roger Leclerc s’occupe de sa femme Noella Tremblay. Depuis un an, il a compté entre 40 et 50 employées différente­s du CLSC venues à la maison.
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