Le Journal de Montreal

Juste avant Noël, la police des rennes est de retour!

Dans ce troisième tome de la police des rennes, Olivier Truc remue le passé pour nous présenter l’une des pires facettes de l’histoire suédoise.

- KARINE VILDER

En 2012, Olivier Truc a rapidement su séduire les amateurs de polars grâce au Dernier lapon, un livre qui a dans la foulée remporté quantité de prix.

Basé en Suède depuis plus d’une vingtaine d’années à titre de correspond­ant pour Le Monde, ce journalist­e français a en effet découvert à travers ses reportages l’existence d’une police des rennes dont les Samis – aussi désignés sous le nom de Lapons – ont grand besoin pour protéger leurs maigres acquis: à l’heure actuelle, la Suède refuse toujours de ratifier la convention de l’ONU, reconnaiss­ant leurs droits en tant que peuple aborigène et de ce fait, les Samis peinent de plus en plus à maintenir leur mode de vie traditionn­el, qui repose essentiell­ement sur l’élevage de rennes.

Avec La Montagne rouge, troisième opus des aventures de Nango Klemet et de Nina Nansen, les deux enquêteurs­chocs de la patrouille P9 de la police des rennes, on pourra d’ailleurs très vite comprendre pourquoi les éleveurs samis collection­nent désormais les problèmes.

«La Montagne rouge renvoie au tout premier reportage que j’ai fait en Laponie, explique Olivier Truc, qu’on a réussi à attraper juste avant l’enregistre­ment d’une émission. Sur les indication­s d’une jeune étudiante en journalism­e, je me suis rendu là-bas afin d’en savoir plus sur le conflit opposant sa famille aux fermiers de la région, ces derniers étant prêts à tout pour ne plus voir un

Et le polar permettant entre autres de dénoncer noir sur blanc ce genre de situation, Olivier Truc n’a pas hésité un seul instant à entrer d’emblée dans le vif du sujet.

LES RÊNES DU POUVOIR

Affectés dans l’extrême sud de la Laponie – qui se situe en plein centre de la Suède –, Nango et Nina se retrouvero­nt ainsi bien malgré eux au coeur d’une féroce bataille judiciaire opposant éleveurs samis et paysans suédois.

Plusieurs propriétai­res terriens ayant uni leurs forces – et leurs griefs – afin de pouvoir enfin exploiter librement forêts et sous-bois sans avoir à se soucier du bien-être des rennes, les éleveurs du clan Balva n’ont plus que quelques semaines pour prouver devant la Cour suprême de Stockholm que leurs ancêtres occupaient les environs de la Montagne rouge bien avant l’arrivée des premiers fermiers scandinave­s.

Mais leurs moeurs nomades n’ayant jamais favorisé la production de documents écrits, leur cause est presque perdue d’avance… Car pour ne rien arranger, Petrus Eriksson, le chef du clan, a décidé de se passer des services d’un avocat. À ses yeux, il est tellement évident que les Samis ont de tout temps été présents dans la région que même un aveugle pourrait en témoigner.

Pendant que la saison de l’abattage de rennes bat son plein sous une pluie diluvienne, des ossements humains seront cependant retrouvés dans l’enclos boueux où les hommes de Petrus Eriksson pataugent depuis des jours.

Une macabre découverte qui les obligera à interrompr­e leur sale besogne tant que Klemet et Nina devront remuer ciel et terre pour tenter d’en savoir plus sur cet étrange squelette dont le crâne manque curieuseme­nt à l’appel.

«Je n’ai jamais réalisé de reportages portant sur le trafic de vieux crânes, précise Olivier Truc. En revanche, j’adore faire les bouquinist­es et il y a quelques années, je suis tombé sur un livre édité par l’Institut de biologie raciale.

Créé en Suède en 1922, ça a été le premier institut du genre au monde et l’ouvrage que j’ai acheté montre clairement la supériorit­é de la race suédoise: tous les Lapons qui y sont représenté­s ont plus ou moins des têtes de criminels ou de délinquant­s. J’ai ensuite passé pas mal de temps à parler avec des anthropolo­gues afin d’en comprendre les raisons.»

UN LOURD PASSÉ

En plus de nous sensibilis­er à la dure réalité des Samis, que même les autorités suédoises persistent à dénigrer en continuant plutôt à miser sur ses nombreux attraits touristiqu­es (costumes bariolés, rennes courant partout, chants joïks, traditions folkloriqu­es, etc.), La Montagne rouge se penche donc également sur le passé eugéniste du blanc pays d’Henning Mankell.

Des pages très sombres de l’histoire de Suède qui nous permettron­t tour à tour de côtoyer des collection­neurs atypiques et de pimpantes octogénair­es qui veilleront à ce que la police des rennes enterre rapidement pour de bon le squelette qui pourrait peut-être aider les éleveurs samis à gagner leur procès.

«Pour l’instant, je ne sais pas encore s’il y aura une suite, ajoute Olivier Truc. Dans mon esprit, il devrait y avoir cinq tomes de la police des rennes, plus deux romans historique­s en connexion avec la police des rennes.» Mais avant, il nous promet un tout autre livre, qui nous trimballer­a de la Laponie à l’Afrique du Sud, en passant par l’Empire moghol.

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rouge Montagne La aux Éditions Olivier Truc, 320 pages Métailié,
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