Coucouche, le Québécois
Il y a quelques jours, dans une entrevue qu’il accordait à Dave Morissette, Julien Gauthier a confié candidement que les jeunes joueurs francophones d’Équipe Canada n’avaient pas le droit de parler français entre eux.
Au nom de l’esprit d’équipe, apparemment. En parlant français, ils risqueraient de le briser. Pas mal, non?
Traduisons: dans ce pays bilingue, il y a une langue de trop. Devinez laquelle? La nôtre.
SOUMISSION
Mais on dédramatisera le tout pour ne pas faire de bruit.
Les spécialistes du déni nous disent que ce n’est pas si grave. Qu’il faut relativiser. Demeurer prudent. Prendre les choses avec philosophie. Se comporter comme un cocu content.
Parce qu’apparemment, c’est dans l’ordre des choses qu’un Québécois cache son identité pour réussir dans le beau grand Canada.
On aura beau nuancer en disant qu’on recommandait fortement de parler anglais sans interdire formellement le français, il y a des limites à rire de nous.
À Hockey Canada, le français est tout simplement dominé. Et conséquemment, les Québécois francophones le sont aussi.
Si on a un peu de mémoire, une formule reviendra à l’esprit: Speak White. Mais qui a de la mémoire dans une société fière de son amnésie parce qu’elle se croit libérée du passé?
La consigne? Soumettez-vous à la langue dominante et faites-vous une fierté de la parler sans accent, en gommant parfaitement vos origines!
Ce qu’on aime, c’est quand le Québécois fait le beau toutou et fait tout pour plaire. Il renonce à sa langue et il espère qu’on va le flatter pour le féliciter de sa domestication.
Bon Québécois docile! On t’aime comme ça, discret, soumis, anglicisé. On t’aime quand tu fais l’effort de devenir Canadien, en d’autres mots.
Le Canada n’est pas un pays bilingue. C’est un pays anglais qui fait semblant de tolérer sa minorité française tant qu’il se croit obligé de le faire.
Il a deux langues officielles: l’anglais et le traduit de l’anglais.
Un jour, nous ferons un bilan historique: nous aurons échoué l’indépendance, nous ne serons pas parvenus à nous faire reconnaître comme société distincte, nous aurons échoué à faire du Canada un pays bilingue.
FRANÇAIS
Nous serons devenus un gros Nouveau-Brunswick.
Il faut dire que le Québécois de base ne se formalise plus de cela.
Il se fiche qu’à l’école, ses enfants n’apprennent qu’un français approximatif. Ou qu’ils n’y apprennent rien de l’histoire du monde et du Québec.
Mais il doit à tout prix en sortir en parlant parfaitement anglais, sans quoi, il serait voué à l’échec professionnel.
Nous avons intériorisé l’idée que nous avons une langue de perdants et que si on peut la parler entre nous, on ne saurait avoir l’idée de réussir sa vie avec elle.
Ce qui s’est passé à Hockey Canada n’est pas un événement isolé. C’est un révélateur de la vraie nature du Canada.
Si nous avions un peu de colonne vertébrale, on s’en séparerait.
Mais la colonne nous manque. Alors on sort la langue et on espère qu’on nous pardonnera d’avoir jappé.