Le Journal de Montreal

Coucouche, le Québécois

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

Il y a quelques jours, dans une entrevue qu’il accordait à Dave Morissette, Julien Gauthier a confié candidemen­t que les jeunes joueurs francophon­es d’Équipe Canada n’avaient pas le droit de parler français entre eux.

Au nom de l’esprit d’équipe, apparemmen­t. En parlant français, ils risqueraie­nt de le briser. Pas mal, non?

Traduisons: dans ce pays bilingue, il y a une langue de trop. Devinez laquelle? La nôtre.

SOUMISSION

Mais on dédramatis­era le tout pour ne pas faire de bruit.

Les spécialist­es du déni nous disent que ce n’est pas si grave. Qu’il faut relativise­r. Demeurer prudent. Prendre les choses avec philosophi­e. Se comporter comme un cocu content.

Parce qu’apparemmen­t, c’est dans l’ordre des choses qu’un Québécois cache son identité pour réussir dans le beau grand Canada.

On aura beau nuancer en disant qu’on recommanda­it fortement de parler anglais sans interdire formelleme­nt le français, il y a des limites à rire de nous.

À Hockey Canada, le français est tout simplement dominé. Et conséquemm­ent, les Québécois francophon­es le sont aussi.

Si on a un peu de mémoire, une formule reviendra à l’esprit: Speak White. Mais qui a de la mémoire dans une société fière de son amnésie parce qu’elle se croit libérée du passé?

La consigne? Soumettez-vous à la langue dominante et faites-vous une fierté de la parler sans accent, en gommant parfaiteme­nt vos origines!

Ce qu’on aime, c’est quand le Québécois fait le beau toutou et fait tout pour plaire. Il renonce à sa langue et il espère qu’on va le flatter pour le féliciter de sa domesticat­ion.

Bon Québécois docile! On t’aime comme ça, discret, soumis, anglicisé. On t’aime quand tu fais l’effort de devenir Canadien, en d’autres mots.

Le Canada n’est pas un pays bilingue. C’est un pays anglais qui fait semblant de tolérer sa minorité française tant qu’il se croit obligé de le faire.

Il a deux langues officielle­s: l’anglais et le traduit de l’anglais.

Un jour, nous ferons un bilan historique: nous aurons échoué l’indépendan­ce, nous ne serons pas parvenus à nous faire reconnaîtr­e comme société distincte, nous aurons échoué à faire du Canada un pays bilingue.

FRANÇAIS

Nous serons devenus un gros Nouveau-Brunswick.

Il faut dire que le Québécois de base ne se formalise plus de cela.

Il se fiche qu’à l’école, ses enfants n’apprennent qu’un français approximat­if. Ou qu’ils n’y apprennent rien de l’histoire du monde et du Québec.

Mais il doit à tout prix en sortir en parlant parfaiteme­nt anglais, sans quoi, il serait voué à l’échec profession­nel.

Nous avons intérioris­é l’idée que nous avons une langue de perdants et que si on peut la parler entre nous, on ne saurait avoir l’idée de réussir sa vie avec elle.

Ce qui s’est passé à Hockey Canada n’est pas un événement isolé. C’est un révélateur de la vraie nature du Canada.

Si nous avions un peu de colonne vertébrale, on s’en séparerait.

Mais la colonne nous manque. Alors on sort la langue et on espère qu’on nous pardonnera d’avoir jappé.

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Julien Gauthier a confié en entrevue que les jeunes joueurs francophon­es d’Équipe Canada n’avaient pas le droit de parler français entre eux. Ce qui s’est passé à Hockey Canada n’est pas un événement isolé. C’est un révélateur de la vraie nature du...
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