Le Journal de Montreal

Une autre « Liséerie »

- NATHALIE ELGRABLY-LEVY Professeur d’économie HEC Montréal nathalie.elgrably @quebecorme­dia.com

En réchauffan­t le principe de l’achat local maintes fois invoqué par nombre de politicien­s, Jean-François Lisée espère projeter l’image vertueuse d’un patriote qui défend l’économie québécoise. Pourtant, la xénophobie économique qu’il exprime est fondamenta­lement un mensonge antipatrio­tique.

Pourquoi un mensonge? Parce que sa propositio­n nuit aux Québécois bien plus qu’elle ne les avantage.

GASPILLAGE

Pensons-y. Si la production locale offrait un rapport qualité-prix compétitif, elle aurait été spontanéme­nt préférée aux importatio­ns, et voter une loi pour forcer le gouverneme­nt ou les sociétés d’État à l’acheter aurait été inutile. Or, ce que demande M. Lisée, c’est de faire abstractio­n de l’inefficaci­té relative de certaines entreprise­s, et de favoriser les bannières locales quitte à payer plus cher ou à en avoir moins pour son argent. Autrement dit, il s’engage à gaspiller l’argent des contribuab­les, lesquels supportent déjà un fardeau fiscal écrasant, pour avantager les entreprise­s incapables de rivaliser avec les firmes étrangères.

M. Lisée rétorquera certaineme­nt qu’en privilégia­nt lesdites entreprise­s, il les encourager­a à améliorer leur compétitiv­ité. Il se trompe. Le patriotism­e économique est contre-productif. C’est même un cadeau empoisonné. Pourquoi les entreprise­s locales s’efforcerai­entelles d’innover ou d’être plus efficaces si elles n’ont plus de rivales étrangères, et si elles sont assurées d’avoir l’État comme client? Qui sait, peut-être même seront-elles tentées d’augmenter leurs prix!

LE VRAI PATRIOTISM­E

En bon paléosocia­liste, M. Lisée considère que l’injection de fonds publics est une panacée. Pour lui, le favoritism­e serait un remède à l’inefficaci­té. Il n’a pas compris qu’être patriote, ce n’est ni accepter de payer plus cher pour la production locale ni dilapider les fonds publics. Ce n’est pas en achetant par pitié que l’on construit une économie solide et prospère. C’est plutôt en créant un environnem­ent d’affaires peu contraigna­nt afin d’encourager l’effort, l’investisse­ment, l’innovation et la création d’emplois. Mais ne demandons pas au chef du PQ de comprendre cela!

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