Le Journal de Montreal

Une descente en enfer

Erik Guay devra négocier demain avec la mythique « Streif » de Kitzbühel

- Alain Bergeron ABergeronJ­DQ alain.bergeron@quebecorme­dia.com 418.683.1573 2284

« C’EST UNE PISTE TRÈS TRÈS DIFFICILE AVEC DES ENDROITS QUI SONT RECONNUS. C’EST UN PARCOURS MYTHIQUE ET ON DIRAIT QUE ÇA GROSSIT ENCORE PLUS CHAQUE ANNÉE » – Erik Guay

Sa recette en a fait une légende: cocktail d’adrénaline et de peur pour les skieurs, moments de frissons et de liesse pour les 50 000 spectateur­s au bas de la piste. Bienvenue à la descente de Kitzbühel, là où des hommes courageux sur deux planches s’engouffren­t dans une bête désireuse de les recracher.

Erik Guay et ses pairs de l’élite mondiale du ski alpin incarneron­t demain les personnage­s d’une pièce mythique jouée depuis 1931 sur un versant du Hahnenkamm, cette montagne intimidant­e qui veille sur Kitzbühel, petit village du Tyrol autrichien de 8000 habitants dont la population décuple durant l’événement.

«C’est tout ce qui entoure qui fait que c’est une course différente. Il y a beaucoup plus de monde et d’attention, plus de médias et de commandita­ires, mais ça revient toujours à la piste. C’est une piste très très difficile avec des endroits qui sont reconnus. C’est un parcours mythique et on dirait que ça grossit encore plus à chaque année», nous confiait le skieur québécois, joint cette semaine à l’hôtel où loge l’équipe canadienne, choisi volontaire­ment à l’écart pour échapper à l’ambiance folle.

130 KM/H EN 4 S

La «Streif» n’offre jamais de solde d’après-Noël à celui qui s’y engage. Cette piste bleue glacée ne pardonne pas durant les deux minutes que dure la commande. L’incohérenc­e entre certains de ses passages nourrit le quivive, autant que le départ et l’arrivée qui rendent cette course si spéciale.

Surtout le départ. Dès que le skieur s’arrache du portillon, un premier virage puis un deuxième à 90 degrés sur une pente abrupte contribuen­t à l’accélérati­on.

«À l’intérieur de trois ou quatre secondes, tu fais du 130 km/h. Dès le départ, il faut que tu sois dans l’action et prêt à réagir», a appris Guay, pour qui la deuxième place de 2013 constitue son meilleur résultat en huit tentatives.

LA TRAPPE À SOURIS

Après ce deuxième virage, l’enchaîneme­nt se veut tout aussi redoutable dans la seconde suivante. Voici déjà le «Mausefalle», littéralem­ent la «trappe à souris» en allemand, qui fait s’envoler le skieur sur plus de 60 mètres audessus d’un mur incliné à 85 %. Écrasé par la compressio­n, il devra y résister à l’atterrissa­ge en demeurant compact pour éviter d’être propulsé comme une poupée de chiffon.

D’autres segments s’avèrent impitoyabl­es, dont le «Hausberg» dans le dernier tiers de la course, où le Norvégien Aksel Lund Svindal s’était fait éclater un genou l’an dernier en chutant après avoir mal négocié cet effet de compressio­n.

«Oui, il y a plusieurs endroits (à risque), mais tu ne penses pas à ça. Tu réfléchis plutôt à la façon d’atteindre encore plus de vitesse, être plus compact, comment mieux couper la ligne, prendre plus de chances, etc. Et ça, ça se développe avec les manches d’entraîneme­nt durant la semaine», témoigne Guay, sixième à celle d’hier à 26 centièmes du plus rapide du jour, le Norvégien Aleksander Aamodt Kilde.

UN « SOULAGEMEN­T »

Guay avait vécu l’un des pires supplices l’an dernier en devant patienter 30 minutes au départ. Portant le dossard no 20, il avait appris la déveine de Svindal, qui s’était élancé tout juste avant lui. Deux départs plus tôt, l’Autrichien Hannes Reichelt avait fini lui aussi dans les filets de sécurité au même endroit avant d’être héliporté.

Sous la neige et sur des conditions de piste encore une fois difficiles ce jour-là, le Québécois maintient qu’il aurait fait mieux que son 11e rang, somme toute satisfaisa­nt pour lui en raison du délai. Encore plus lorsque de tels imprévus surviennen­t, l’effort procure une forme de libération lorsqu’il se termine au pied de la foule en délire.

«Ça dépend de la descente que tu viens de faire, dit l’athlète de 35 ans. Mais oui, généraleme­nt, je dirais que c’est un soulagemen­t parce qu’on termine une semaine d’un super-G et de deux manches d’entraîneme­nt de descente. C’est dur pour le corps…»

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