Le Journal de Montreal

Protection­nisme poussiéreu­x

- Économiste, animateur et chroniqueu­r MARIO DUMONT mario.dumont @quebecorme­dia.com @mariodumon­t

Dans les cérémonies l’amenant officielle­ment au pouvoir, Donald Trump a exprimé sa pensée profonde sur le commerce internatio­nal: les autres pays ont fini de voler nos emplois.

Monsieur Trump n’est plus en campagne. Il n’a plus besoin de répéter ces slogans pour se faire élire. Nous devons comprendre qu’il y croit vraiment et va agir en conséquenc­e.

Nous avions entendu ces arguments lors du débat sur le libre-échange canado-américain il y a près de 30 ans. Finalement, l’expérience du libre-échange a eu raison de ce discours. Aujourd’hui, la vaste majorité reconnaît les bienfaits de ces accords.

Même les organisati­ons syndicales qui jadis propageaie­nt la crainte de voir nos emplois partir ne tiennent plus ce langage aujourd’hui. Elles n’ont jamais annoncé un ralliement officiel, mais elles ne voient plus la pertinence de ce combat.

Nous avons compris deux choses. D’abord, accroître les échanges commerciau­x dans le cadre d’un accord correcteme­nt négocié crée de la prospérité des deux côtés de la frontière. Deuxièmeme­nt, un pays relativeme­nt peu populeux comme le Canada n’aurait pas assez de clients pour assurer la croissance de ses entreprise­s. Ouvrir d’autres marchés, c’est créateur d’emplois.

GENS SOUFFRANTS

Il est facile de comprendre que des Américains désemparés, qui ont perdu leur emploi dans le secteur manufactur­ier, se soient ralliés au discours de Trump. Lorsqu’on souffre, lorsqu’on se sent abandonné, on est toute oreille pour celui qui s’intéresse à nous et qui pointe du doigt un coupable. Donald Trump a bien lu la réalité et a gagné grâce à leur appui.

Je leur souhaite bien des emplois. Mais il faut reconnaîtr­e qu’une part de ce qui leur a été promis relève de l’illusion.

Oui, monsieur Trump peut créer des emplois s’il met de l’avant les politiques appropriée­s. Mais il est plus qu’illusoire de croire que de fermer les frontières ramènera des usines du Mexique vers le Wisconsin.

Plus illusoire encore, c’est de penser que si jamais on rouvrait de nouvelles usines dans leur ville, ces travailleu­rs pourraient y entrer miraculeus­ement. Ces travailleu­rs ont perdu leur emploi lors de la fermeture d’usines désuètes et dépassées pour la plupart.

Si des usines s’y implantaie­nt cette année, elles seraient équipées des derniers équipement­s robotisés et entièremen­t informatis­ées. Malheureus­ement, bon nombre des ex-travailleu­rs d’usine n’auraient pas la formation requise pour y entrer.

Ce qui amène une réflexion plus large sur la relance d’une économie avec des outils comme l’éducation et la formation de la main-d’oeuvre. Des emplois volés par les autres pays? Simpliste et faux.

RÉSISTER

Donald Trump va néanmoins relancer le discours protection­niste. La tentation sera grande au Québec de glisser dans le même genre de discours. Surtout que des échos semblables retentiron­t d’Europe.

À une époque, les peuples ne commerçaie­nt pas entre eux parce que les moyens de transport des marchandis­es n’existaient pas. À une époque où je peux télécharge­r en deux minutes une applicatio­n ou un logiciel produit en Asie, se battre contre la libéralisa­tion des échanges ne mène nulle part.

Il faut laisser passer le discours de fermeture des frontières comme un orage.

 ??  ??
 ??  ?? Donald Trump a exprimé sa pensée profonde sur le commerce internatio­nal: les autres pays ont fini de voler nos emplois.
Donald Trump a exprimé sa pensée profonde sur le commerce internatio­nal: les autres pays ont fini de voler nos emplois.

Newspapers in French

Newspapers from Canada