Le Journal de Montreal

Alvarez... le combat d’une vie

- rejean.tremblay@quebecorme­dia.com réjean tremblay

QUÉBEC | Eleider Alvarez a passé une semaine avec sa femme et sa petite fille en 2016. Il est allé les retrouver à Turbo, dans la province d’Antioqua, non loin de Medellín… la ville des narcos en Colombie.

Ça fait maintenant six ans qu’Alvarez vit d’espoir et trime comme un forçat à Montréal. Il se bat, gagne une bourse, paye son promoteur et ses entraîneur­s, et après avoir payé son loyer, il envoie à Jessica, sa femme, l’argent pour patienter.

Patienter jusqu’au moment béni et chéri où il pourra les faire venir au Québec vivre avec lui. Il pensait que ce jour était arrivé quand il est devenu aspirant obligatoir­e au titre WBC d’Adonis Stevenson, il y a 18 mois. Il s’y prépare depuis en s’entraînant avec des partenaire­s gauchers. Il y était presque jusqu’à ce que Lucian Bute lui lance un défi.

Le défi faisait l’affaire d’Yvon Michel. Le gagnant du duel entre Alvarez et Bute rencontrer­ait Adonis Stevenson et le combat allait donner de la crédibilit­é à l’aspirant qui monterait dans le ring contre Stevenson. D’une pierre deux coups.

UN DERNIER GROS OBSTACLE

Sauf qu’Eleider Alvarez devrait surmonter un autre gros obstacle avant d’enfin envoyer les billets d’avion à Jessica et à sa fille de sept ans, Alda Eliza.

«Je sais. Je dois absolument vaincre Lucian Bute pour enfin réaliser le rêve de ma vie. Si je perds, je perds Stevenson et la grosse bourse qui va me permettre de refaire ma vie avec ma famille. Mais je ne perdrai pas. Je ne peux pas perdre. Jamais je ne me suis senti aussi prêt pour un combat. C’est sûr que je vais battre Bute. Je ne peux pas faire autrement», expliquait Alvarez hier soir.

L’homme parlait avec passion. Et son accent espagnol n’arrivait pas à cacher cette rage qui l’habite. Quand il est fatigué, quand il a mal, il prend son ordi et, grâce à Skype, il jase un long moment avec son amour et sa petite fille: «Ça fait tellement longtemps que nous sommes séparés que je me suis habitué. Certaines années, je pouvais aller en Colombie à quelques reprises pendant l’année et depuis deux ans, à cause de tous les problèmes rencontrés dans l’organisati­on des combats, les visites sont très rares. J’ai tellement hâte», de dire Alvarez.

UN PÈRE… ET SON BATEAU

Si vous dénichez Turbo, vous allez trouver une belle ville sur la rive du Pacifique, tout près de Panama. C’est une ville de pêcheurs. Sauf que les Alvarez ne pêchaient pas: «Mon père transporta­it du bois pour une compagnie de bois. Il naviguait constammen­t avec son bateau rempli de bois. D’autres bateaux servaient pour la drogue, mon père préférait le bois», de dire Alvarez en souriant.

C’était plus honnête, mais beaucoup moins payant. Eleider a deux soeurs. Une plus vieille que lui et l’autre plus jeune. Il n’a pas vécu dans la richesse, mais il a reçu une bonne éducation. Et puis, à Turbo, on aimait le sport. Beaucoup de boxe, de l’athlétisme et du soccer, évidemment.

Alvarez a choisi la boxe et il a vite grimpé dans les classement­s colombiens. Au point de faire l’équipe nationale et de participer aux grands tournois internatio­naux. C’est aux Championna­ts du monde, en 2007, à Chicago, que Marc Ramsay l’a repéré. Dans la cohue des championna­ts, il lui a remis un bout de papier avec son nom et son numéro de téléphone: «Un an plus tard, aux Jeux olympiques de Pékin, plusieurs promoteurs me faisaient des offres. Marc m’a approché et m’a rappelé qu’à Chicago il m’avait donné un bout de papier. Il était avec Bernard Barré. J’ai eu confiance et je suis venu à Montréal», de raconter Alvarez.

Eleider est un bon gars. Il ne dit jamais un mot contre personne. Il n’a rien de personnel contre Lucian Bute. Sauf qu’il trouve que Bute n’avait pas besoin de le défier. Il a déjà été champion du monde, il a gagné des millions. Il hausse les épaules: «Mais ça ne fait rien. Je vais le battre et rien ne va m’empêcher d’atteindre mon objectif. Je le sais.»

Quand même. Il devrait se méfier. Ceux qui ont sous-estimé Lucian Bute en ont eu plein les baskets.

Mais Jessica et Alda Eliza espèrent tellement…

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