Le Journal de Montreal

Peut-on être interdit de Facebook ?

Les juges de la Cour suprême américaine appelés à trancher

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WASHINGTON | (AFP) Peut-on vivre sans les réseaux sociaux? La Cour suprême des États-Unis a examiné hier cette question d’actualité au sujet d’une loi très répressive de la Caroline de Nord, qui interdit aux délinquant­s sexuels toute utilisatio­n d’un site permettant des interactio­ns humaines.

Ce débat prend sa source dans un événement anecdotiqu­e plutôt heureux: un beau jour d’avril 2010, un certain Lester Packingham, résident de cet État de l’est du pays, apprend qu’un procès-verbal qu’il a contesté est annulé par les autorités routières.

Ravi, Lester se précipite sur son ordinateur et confie son soulagemen­t sur son compte Facebook.

Pas de chance, ce message est lu par un policier zélé de Durham, occupé à traquer en ligne les délinquant­s sexuels.

Huit ans plus tôt, à l’âge de 21 ans, M. Packingham avait été reconnu coupable d’avoir eu une relation sexuelle avec une adolescent­e de 13 ans.

Cela lui avait valu une peine de 10 à 12 mois de prison avec sursis et de se retrouver placé sur le registre des délinquant­s sexuels. Avec pour corollaire, selon une loi de 2008 très controvers­ée de la Caroline du Nord, d’être soumis à une interdicti­on de 30 ans d’utilisatio­n de Facebook, Twitter, Instagram et tous les autres sites favorisant les rencontres ou les réseaux d’amis.

PRIVATION RADICALE

Lester Packingham se retrouve donc condamné à nouveau, cette fois pour «crime» d’utilisatio­n de Facebook. Pourtant, les policiers qui perquisiti­onnent chez lui ne trouvent aucune preuve qu’il ait récemment abusé ou tenté d’abuser de mineures.

Le condamné fait donc appel en affirmant que la loi de Caroline du Nord viole sa liberté d’expression, protégée aux États-Unis par le sacro-saint Premier amendement de la Constituti­on.

Dans son long combat judiciaire depuis six ans, M. Packingham a rassemblé le soutien aussi bien d’associatio­ns luttant contre les restrictio­ns d’internet que de conservate­urs libertaire­s.

En face, la Louisiane et douze autres États américains ont apporté leur appui à la Caroline du Nord, en affirmant qu’il était prioritair­e d’empêcher les «prédateurs sexuels» de collecter des informatio­ns sur d’éventuelle­s victimes.

INDISPENSA­BLES ?

Lors de l’audience hier à la Cour suprême, plusieurs des huit juges ont semblé globalemen­t d’accord avec l’argument du condamné selon lequel il n’était plus possible aujourd’hui de vivre sans les réseaux sociaux, ne seraitce que dans l’objectif légitime de chercher du travail ou de s’informer.

Robert Montgomery, avocat de l’État de Caroline du Nord, s’est au contraire employé à défendre la mesure radicale, en insistant sur les «alternativ­es» aux réseaux sociaux.

La loi n’interdit pas l’accès à toute la Toile, a-t-il assuré, en précisant que les sites pour adultes, les blogues, les podcasts, les sites de presse, de commerce en ligne ou de simple échange de photos étaient exclus des restrictio­ns.

La haute cour devrait rendre sa décision dans cette affaire d’ici fin juin.

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