Le Journal de Montreal

La guerre d’attrition

- Josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Depuis son premier saut en politique, Donald Trump est en guerre ouverte contre la plupart des médias. Un mois à peine après son assermenta­tion à la présidence américaine, la guerre prend déjà des airs de lutte sans merci.

Répétitive­s et orchestrée­s, ses attaques sont le fruit de la pensée de Steve Bannon. Venu lui-même des médias d’extrême droite, il est de loin le conseiller le plus influent de la MaisonBlan­che.

Pour Bannon, cette guerre d’usure est essentiell­e au récit préfabriqu­é d’un Trump se disant «victime» des élites «menteuses» et «corrompues». Apôtre du chaos, Bannon est convaincu que seules des attaques frontales et répétées peuvent contrer les «élites», dont les médias feraient aussi partie.

ENNEMIS DU PEUPLE

Dans la propagande populiste du régime Trump-Bannon, même les plus prestigieu­x médias deviennent ainsi des «ennemis du peuple», tout juste bons à cracher des «fausses nouvelles».

Sur Twitter et en points de presse, Trump insulte crûment les journalist­es et les médias qui les emploient. Il a même bloqué l’accès à CNN, The New York Times, la BBC et d’autres encore.

Ce qui me frappe le plus, c’est qu’à tout coup les médias en sortent doublement piégés. Parce qu’elle est spectacula­ire et sans précédent, cette guerre d’attrition devient en soi «la» nouvelle. Ce qui, sur le coup, fait diversion à la vraie nouvelle du jour.

Que ce soit la proximité inquiétant­e de l’administra­tion Trump avec la Russie, ses politiques xénophobes, son militarism­e, sa déréglemen­tation tous azimuts, etc.

Parce qu’elle s’adresse uniquement aux électeurs de Trump, cette stratégie antimédias est terribleme­nt efficace. Elle discrédite d’office tout reportage ou analyse apte à porter ombrage à l’image du président.

Résultat: ses électeurs ne distinguen­t plus le vrai du faux ni le faux du vrai. Le «vrai» se limitant à ce que Donald Trump leur dit de croire. Le tout pendant que les médias sociaux lui servent de redoutable­s amplificat­eurs.

Dans un tel contexte, comment s’étonner de voir Marine Le Pen, du Front national, s’en prendre à son tour aux «fausses nouvelles» des médias français?

AVERTISSEM­ENT

Ce sont pourtant deux républicai­ns qui, d’un trait, ont pointé le plus grand danger de cette guerre trumpienne.

Pour le sénateur John McCain, une démocratie ne peut fonctionne­r sans des médias «libres» et capables de «confronter» le pouvoir politique. «Les dictatures naissent, lance-t-il, quand on les affaiblit.»

Même George W. Bush s’en inquiète ouvertemen­t. En entrevue avec NBC, l’ex-président républicai­n en dit ceci: «Il est très important que les médias demandent des comptes à ceux qui abusent du pouvoir.»

«Dictatures» et «abus de pouvoir». Si les mots ont un sens, ils ont de quoi nous glacer le sang. Voilà, l’avertissem­ent est lancé. Certains se rassurent en se disant qu’il existe heureuseme­nt des garde-fous dans le système politique américain. Y compris les médias et les tribunaux.

Très franchemen­t, face au président Trump, l’expression «garde-fou» n’aura jamais été aussi appropriée.

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Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique josée legault e∫ Blogueuse au Journal
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Le nouveau président américain Donald Trump est en guerre avec les médias depuis son entrée en politique active.

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