La guerre d’attrition
Depuis son premier saut en politique, Donald Trump est en guerre ouverte contre la plupart des médias. Un mois à peine après son assermentation à la présidence américaine, la guerre prend déjà des airs de lutte sans merci.
Répétitives et orchestrées, ses attaques sont le fruit de la pensée de Steve Bannon. Venu lui-même des médias d’extrême droite, il est de loin le conseiller le plus influent de la MaisonBlanche.
Pour Bannon, cette guerre d’usure est essentielle au récit préfabriqué d’un Trump se disant «victime» des élites «menteuses» et «corrompues». Apôtre du chaos, Bannon est convaincu que seules des attaques frontales et répétées peuvent contrer les «élites», dont les médias feraient aussi partie.
ENNEMIS DU PEUPLE
Dans la propagande populiste du régime Trump-Bannon, même les plus prestigieux médias deviennent ainsi des «ennemis du peuple», tout juste bons à cracher des «fausses nouvelles».
Sur Twitter et en points de presse, Trump insulte crûment les journalistes et les médias qui les emploient. Il a même bloqué l’accès à CNN, The New York Times, la BBC et d’autres encore.
Ce qui me frappe le plus, c’est qu’à tout coup les médias en sortent doublement piégés. Parce qu’elle est spectaculaire et sans précédent, cette guerre d’attrition devient en soi «la» nouvelle. Ce qui, sur le coup, fait diversion à la vraie nouvelle du jour.
Que ce soit la proximité inquiétante de l’administration Trump avec la Russie, ses politiques xénophobes, son militarisme, sa déréglementation tous azimuts, etc.
Parce qu’elle s’adresse uniquement aux électeurs de Trump, cette stratégie antimédias est terriblement efficace. Elle discrédite d’office tout reportage ou analyse apte à porter ombrage à l’image du président.
Résultat: ses électeurs ne distinguent plus le vrai du faux ni le faux du vrai. Le «vrai» se limitant à ce que Donald Trump leur dit de croire. Le tout pendant que les médias sociaux lui servent de redoutables amplificateurs.
Dans un tel contexte, comment s’étonner de voir Marine Le Pen, du Front national, s’en prendre à son tour aux «fausses nouvelles» des médias français?
AVERTISSEMENT
Ce sont pourtant deux républicains qui, d’un trait, ont pointé le plus grand danger de cette guerre trumpienne.
Pour le sénateur John McCain, une démocratie ne peut fonctionner sans des médias «libres» et capables de «confronter» le pouvoir politique. «Les dictatures naissent, lance-t-il, quand on les affaiblit.»
Même George W. Bush s’en inquiète ouvertement. En entrevue avec NBC, l’ex-président républicain en dit ceci: «Il est très important que les médias demandent des comptes à ceux qui abusent du pouvoir.»
«Dictatures» et «abus de pouvoir». Si les mots ont un sens, ils ont de quoi nous glacer le sang. Voilà, l’avertissement est lancé. Certains se rassurent en se disant qu’il existe heureusement des garde-fous dans le système politique américain. Y compris les médias et les tribunaux.
Très franchement, face au président Trump, l’expression «garde-fou» n’aura jamais été aussi appropriée.