Le Journal de Montreal

Votez Bougon, un bel exemple de médiocrité

- GUY FOURNIER guy.fournier@quebecorme­dia.com

J’ai longtemps hésité avant d’aller voir le film Votez Bougon. Je craignais d’y retrouver trop des moments les plus discutable­s de la série Les Bougon, c’est aussi ça la vie! qui a valu de grosses cotes d’écoute à Radio-Canada de 2004 à 2007. J’avais raison de craindre d’aller au cinéma, car Votez Bougon est un mauvais moment à passer.

Composée d’intrigues accrocheus­es de 24 minutes avec des dialogues crus, mais qui faisaient souvent mouche, la série, pour peu qu’on fasse preuve d’un peu de bonne volonté, pouvait se prendre au second degré. Les textes étaient assez intelligen­ts pour qu’on puisse, entre les lignes, déceler beaucoup d’ironie chez l’auteur. Dans le film, tout est écrit en caractères gras dans le plus pur esprit des ragots de vestiaire et des tavernes d’autrefois.

Situations et dialogues sont soulignés à larges traits, si grossièrem­ent que la plupart des spectateur­s prennent le film au premier degré. Je me demande si les auteurs ne l’ont pas espéré ainsi, car ils sont tous les trois assez brillants pour écrire des scénarios dans lesquels le spectateur le moindremen­t futé peut déceler un deuxième degré. Louis Morissette, entre autres, est à l’origine de plus d’un spectacle à l’humour aussi décalé que celui des Monty Pythons.

PAS DE QUOI PAVOISER

Quant à François Avard et Jean-François Mercier, ils peuvent être aussi abrasifs et drôles que le regretté George Carlin, un stand-up génial qu’aucun humoriste américain n’a encore égalé. Avec Votez Bougon, les trois auteurs ont bâclé leur travail et accouché d’un brûlot anarchique si primaire qu’ils ne doivent pas en être fiers.

L’élection de Donald Trump les a en partie dédouanés, ce qu’ils n’avaient pas prévu. Elle a permis aux spectateur­s les plus tolérants de voir, après coup, dans Votez Bougon une certaine caricature de la campagne électorale américaine et de ses résultats. À son émission Culture Club, René HomierRoy a profité de la coïncidenc­e pour finir, après mille circonvolu­tions verbales, par dire quelque bien de ce film que je trouve méprisant pour le public québécois.

DES PRODUCTEUR­S TENACES

Quand on voit Votez Bougon après l’attentat à la mosquée de Québec, la séquence dans laquelle on ridiculise les musulmans tombe plutôt mal. Cette fois, la coïncidenc­e est loin de jouer en faveur du film.

Les producteur­s Fabienne Larouche et Michel Trudeau ont hanté durant des années les couloirs des organismes subvention­naires afin d’obtenir leur financemen­t. Lorsque les producteur­s flairent une bonne affaire, ce ne sont pas eux qui lâchent le morceau. Ils sont tenaces, pour ne pas dire coriaces et inflexible­s. SODEC et Téléfilm ont fini par acquiescer au financemen­t d’un scénario si médiocre qu’on l’aurait sûrement refusé s’il avait été présenté par des producteur­s moins réputés.

Radio-Canada pouvait-elle s’abstenir de participer au financemen­t d’un film mettant en vedette les personnage­s d’une série dont elle avait fait ses choux gras? Le jour (ou le soir tard…) où l’on mettra le film au programme – il faudra bien finir par s’y résigner –, Radio-Canada n’aura pas de quoi être fière. Ceux qui ont foi dans le diffuseur public non plus.

Rendons tout de même grâce au brave Rémy Girard, qui a tout tenté, comme la plupart des comédiens de la distributi­on, pour donner un sens à un scénario et à des dialogues qui n’en avaient pas.

TÉLÉPENSÉE DU JOUR

Certains films me font douter que le cinéma soit le septième art.

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